La Commune de Paris fut la première fois dans l’histoire où le prolétariat prit le pouvoir et tenta de mettre en place son propre régime. La Commune ne put consolider sa domination et fut écrasée dans un délai de 72 jours. Cependant, son expérience fut d’une importance historique mondiale. Au cours de sa courte existence, elle avait donné un aperçu de la nouvelle société. Grâce à ses exemples positifs autant qu’à ses erreurs, elle avait fourni des leçons extrêmement précieuses pour la classe ouvrière du monde entier. Marx, à titre de leader de la Première Internationale, résuma les leçons de cette grande expérience pour le prolétariat international.

Le contexte de la Commune de Paris fut façonné par la guerre franco-allemande de 1870-1871. Celle-ci se déclencha en juillet 1870, lorsque l’Empereur réactionnaire de France Napoléon III ordonna d’attaquer la Prusse (qui, avec d’autres provinces plus petites devint l’Allemagne en janvier 1871), pensant à tort que les Prussiens étaient en position de faiblesse. Ses armées furent rapidement vaincues, alors que Napoléon III se rendit et fut fait prisonnier par les Prussiens en septembre 1870. La capitulation de Napoléon III fut suivie par la mise en place d’une nouvelle République, dirigée par un politicien du nom de Thiers. Celui-ci signa en mars 1871 un traité de paix avec les Allemands, mais, Paris, encerclée par l’armée prussienne depuis septembre 1870, ne se soumit pas au gouvernement récemment formé. La ville était contrôlée par la Garde Nationale, principalement composée de travailleurs. Le 18 mars 1871, Thiers envoya son armée sur Paris pour désarmer la garde nationale. Cela provoqua une révolte dans laquelle deux des généraux de l’armée française furent abattus tandis que l’armée battait en retraite. Le pouvoir sur Paris était désormais pleinement aux mains de la Garde Nationale qui organisa la semaine suivante des élections afin d’établir un Conseil de la Commune composé de 92 membres. Le Conseil, qui comptait un grand nombre de travailleurs ainsi que de membres de la Première Internationale, devint l’organe de gouvernement de la Commune. Il mit en place de nombreuses mesures progressistes pour réorganiser la vie politique et l’administration de la ville et reçut donc l’appui de l’ensemble des travailleurs.

La Commune de Paris était cependant un gouvernement soumis aux attaques constantes. Craignant la force de la classe ouvrière, les oppresseurs allemands et français s’étaient immédiatement associés pour écraser la Commune. L’Allemagne aida même directement le gouvernement de Thiers en libérant une grande partie de l’armée française faite prisonnière en 1870. Le gouvernement de Thiers, renforcé par ces soutiens, lança ensuite une campagne de grande envergure afin de reconquérir Paris. Les travailleurs se battirent avec courage, mais ils n’étaient pas de taille face à une armée professionnelle bien équipée. Après plusieurs jours de combats héroïques, faisant des milliers de martyrs, la Commune fut écrasée le 28 mai 1871. Même après la prise de contrôle de Paris par les Versaillais, plus de 30 000 communards furent massacrés de sangfroid. Plus de 45 000 furent jugés en cour martiale, et beaucoup furent exécutés alors que d’autres étaient envoyés en prison, au bagne de Guyane ou en exil. La bourgeoisie était déterminée à donner une bonne leçon aux travailleurs afin qu’ils ne rêvent jamais de saisir le pouvoir à nouveau.

La Première Internationale était à l’apogée de son attrait populaire à l’époque de la guerre francoprussienne et de la Commune de Paris. Elle avait une large base au sein des travailleurs et donnait régulièrement des conseils sur les questions politiques. Lorsque la guerre franco-prussienne éclata Marx publia immédiatement un document au nom du Conseil général de la Première Internationale. Ce document est l’une des premières applications des principes tactiques marxistes concernant la guerre. Marx appelait à la solidarité internationale des travailleurs tout en accusant les dirigeants de la France et de la Prusse d’avoir provoqué la guerre. En raison de la propagande de l’Internationale, un fort esprit d’internationalisme régnait chez les ouvriers allemands et français. August Bebel et Wilhelm Liebknecht, deux membres du parlement et dirigeants du parti du prolétariat allemand furent mis en prison pour avoir voté contre les crédits de guerre prussiens alors qu’ils étaient membres marxistes de l’Internationale.

Au début de la guerre, Marx la caractérisa de guerre défensive du côté allemand en raison de la nature réactionnaire et agressive du régime de Napoléon III. Il avait cependant vu venir la chute de ce souverain réactionnaire. Lorsque cela se produisit, Marx écrivit un nouveau document afin d’appeler les travailleurs allemands à s’opposer à ce qui était désormais une guerre de conquête pour l’Allemagne. Il demandait la paix avec la France et la reconnaissance de la nouvelle République. Pour lui, cette République était menée par l’aristocratie financière et la grande bourgeoisie. Il estimait cependant qu’il serait prématuré de tenter de renverser la République pour former un gouvernement ouvrier. En fait, Marx s’opposait fermement à toute tentative d’insurrection à Paris. En effet, l’ennemi allemand avait déjà entouré Paris et il y avait très peu de chances qu’une insurrection puisse survivre dans de telles circonstances.

En dépit des conseils de Marx, les militants de diverses tendances anarchistes et conspiratrices, qui avaient un certain écho à Paris, firent différentes tentatives d’organiser un soulèvement. Lorsque l’insurrection eut effectivement lieu, Marx, malgré son opposition passée, déclara un soutien plein et militant à la Commune. Il reconnut immédiatement son importance historique et envoya des centaines de lettres à travers le monde pour essayer de renforcer le soutien à la Révolution. Il garda contact avec les Communards grâce à des messagers qui transmettaient ses conseils aux Internationalistes de la Commune. Consultant Engels, qui était un expert des affaires militaires, il envoya également des conseils au sujet de la défense militaire de la Commune. Bien que la direction de la Commune fût entre les mains des membres d’autres groupes et tendances, les marxistes firent tout ce qui était en leur pouvoir afin de renforcer ses activités et la défendre. Après la défaite de la Commune, l’Internationale était la principale organisation s’occupant de loger et d’aider les Communards en exil à trouver un travail loin de la répression brutale de la bourgeoisie française.

Marx, qui salua immédiatement la Commune comme un événement d’une immense importance historique, en fit une analyse approfondie en essayant de tirer des leçons de son expérience. Ce travail, La Guerre Civile en France, fut écrit pendant la Commune, mais ne put être publié que deux jours après sa chute. Il servit à propager les réalisations de la Commune et à construire l’approche juste de cet événement pour les révolutionnaires et les travailleurs du monde entier.

Marx souligna tout d’abord les grandes mesures positives et révolutionnaires prises par la Commune, qu’il présentât comme l’incubation de la nouvelle société. Il nota les décisions politiques majeures que furent la séparation de l’Église et de l’État, l’abolition des subventions à l’Église, le remplacement de l’armée professionnelle par une milice populaire, l’élection et le contrôle de tous les juges et magistrats, la limite de salaire pour tous les représentants et leur responsabilisation devant l’électorat, etc. Les grandes mesures socio-économiques de la Commune furent quant à elles l’éducation gratuite et généralisée, l’abolition du travail de nuit dans les boulangeries, l’annulation des amendes patronales sur le salaire dans les ateliers, la fermeture des prêteurs sur gage, la saisie des usines abandonnées par les coopératives de travailleurs, des allocations chômage, des maisons rationnées et de l’assistance aux endettés. Toutes les mesures ci-dessus montrèrent que, malgré l’absence de direction claire de la Commune, toutes ses décisions présentaient la marque claire du prolétariat parisien. Bien qu’elle fût constamment confrontée à la question désespérée de sa survie même, la Commune, par ses actions, donna un premier aperçu du type de société que la future révolution prolétarienne allait engendrer. Elle fournit la première expérience du prolétariat à la tête de l’État – ce que Marx et Engels nommèrent la première dictature du prolétariat.

La Commune, par ses faiblesses, fournissait également des enseignements précieux pour les luttes futures du prolétariat. Ceux-ci furent démontrés par Marx. La première erreur de la Commune fut l’absence de direction claire et centralisée de la part d’un seul Parti prolétarien. A partir de ceci, Marx en conclut que le succès de la révolution passait nécessairement par la direction d’un Parti prolétarien fort, discipliné et lucide. L’autre point, que Marx souligna à plusieurs reprises, est la nécessité de briser l’appareil d’État existant. Afin de construire l’État ouvrier à venir, il ne serait pas possible de s’appuyer sur la veille machine d’État bourgeoise avec ses administrateurs qui s’étaient totalement engagés à préserver l’ancien ordre social. En fait, il faut d’abord briser l’appareil d’État et se débarrasser des hauts fonctionnaires qui y sont associés.

Dans la période de réaction et de répression suite à la Commune, il y eu une confusion considérable au sein des forces révolutionnaires, sur la manière dont elles analysaient ces expériences et sur les conclusions correctes qu’il fallait en tirer. Les anarchistes, qui avaient participé en grand nombre à la Commune, en furent particulièrement incapables. L’analyse de Marx donna une position claire permettant de combattre toute confusion. Marx aida également à propager une compréhension juste de l’expérience de la Commune à l’ensemble du monde. Suite à la Commune, la bourgeoisie dépeignit Marx comme le véritable chef de la Commune et il fut même interviewé par la presse internationale. Grâce à ces entretiens, il put ainsi présenter la bonne analyse dans divers pays. Le marxisme fournissait donc à nouveau les réponses adéquates.