La période qui suivit la Commune de Paris fut marquée par l’offensive réactionnaire de la bourgeoisie sur le mouvement ouvrier. Cela eu un impact important sur la Première Internationale. La section française fut la plus touchée, la plupart de ses membres, devenus des réfugiés politiques dans d’autres pays, menant des luttes de faction en son sein. Le mouvement ouvrier allemand fit également face à un revers avec le long emprisonnement des principaux dirigeants marxistes, Bebel et Liebknecht, qui s’étaient opposés à la guerre et à l’annexion des régions de France d’Alsace-Lorraine. Les deux sections les plus importantes de l’Internationale étaient donc sérieusement handicapées. Simultanément, il se produit une scission dans la section anglaise lorsque certains meneurs décidèrent de quitter l’organisation à cause du soutien militant de Marx à la Commune. C’est cela, couplé avec les manipulations des anarchistes, qui affaiblit l’Internationale. Marx et Engels décidèrent de transférer le siège de l’Internationale de Londres à New York. Cette décision fut prise au Congrès de 1872. Toutefois, la Première Internationale, trop affaiblie, ne put pas se relever et fut finalement dissoute en 1876.

Cette dissolution ne freina cependant pas la marche en avant du marxisme et la mise en place de nouveaux partis prolétariens. Après la Commune de Paris, il y eut près de 35 années de paix, sans grande guerre entre les pays capitalistes sur le continent européen. Au cours de cette période, le mouvement ouvrier dans les pays les plus industrialisés connut une expansion rapide. Les partis socialistes, qui avaient une composition essentiellement prolétarienne, mirent en place de larges structures très élaborées. Sous leur direction se développèrent des syndicats, des journaux quotidiens, des coopératives de travailleurs, etc. Travaillant souvent dans la légalité, ils participèrent avec un certain succès aux parlements bourgeois. C’est de ces nombreux partis que naquit en 1889 la Seconde Internationale. Cette IIe Internationale donna un nouvel aplomb à la montée des partis socialistes prolétariens dans le monde.

Marx et Engels continuèrent, jusqu’à la fin de leur vie, à jouer le rôle de dirigeants idéologiques et d’organisateurs pratiques du mouvement ouvrier grandissant. Ils apportèrent de constantes contributions théoriques pour renforcer les bases du socialisme. Marx se concentra sur une étude plus approfondie de l’économie politique et du capitalisme, publiant le premier volume du Capital en 1867. Après cela, Marx continua à lutter contre la maladie pour essayer de compléter les derniers volumes de ce travail. Cependant, ils restèrent inachevés jusqu’à sa mort le 14 mars 1883. Engels termina cependant la tâche monumentale de recueillir l’ensemble des notes de Marx, afin de les éditer pour enfin publier les deuxième et troisième volumes du Capital. Engels fit également d’importants travaux théoriques après être devenu rédacteur à temps plein en 1869. Avec Marx, mais aussi seul, il publia divers travaux sur la philosophie, la théorie socialiste, l’évolution biologique, l’origine des institutions sociales et politiques, etc. Après la mort de Marx, il joua un rôle central dans l’orientation et la construction du mouvement prolétarien dans divers pays. Par ses correspondances régulières, il joua le rôle de centre jusqu’à sa mort le 5 août 1895, ce qui n’aurait pas existé sans lui à cette période.

Une grande partie de l’œuvre de Marx et Engels s’axa sur la lutte contre la tendance à l’opportunisme qui commença à se renforcer avec la croissance du mouvement. Une tendance importante était celle des successeurs de Ferdinand Lassalle, qui étaient d’abord présents dans la Première Internationale, mais qui poursuivirent également leur action des années plus tard. Ferdinand Lassalle était le fondateur du premier parti socialiste de la classe ouvrière créé en 1863 en Allemagne. L’aspect principal de l’opportunisme dans le Lassalisme était qu’il décourageait les luttes des travailleurs pour de plus hauts salaires et qu’il faisait les yeux doux à l’Etat pour qu’il fournisse de l’aide pour mettre en place des coopératives de travailleurs que Lassalle voyait comme les principaux canaux d’action pour réformer la société et amener progressivement le socialisme. Afin de lutter contre cette mauvaise analyse des luttes salariales, Marx écrivit Salaires, Prix et Profits et le présenta au Conseil général de la Première Internationale en 1865. La lutte contre le Lassalisme continua en 1875 quand Marx écrivit la Critique du programme de Gotha. Le programme de Gotha fut élaboré au moment de l’unification des partis prolétariens lassaliste et marxiste allemands en un seul Parti. À cette époque, les marxistes avaient tellement envie d’unité qu’ils firent de nombreux compromis avec la politique opportuniste du Lassallisme. Marx, dans sa Critique, détailla les points qui étaient des erreurs opportunistes. Cependant, cette Critique ne fut donnée qu’à une poignée de membres marxistes du parti allemand. Elle ne circula pas beaucoup et très peu des suggestions de Marx furent mises en pratique. Cependant, en 1891, lorsqu’un nouveau programme fut rédigé, Engels insista pour publier la Critique, malgré les protestations de certains des principaux membres du parti. Cette fois-ci, les aspects lassalistes furent écartés.

D’autres tendances opportunistes furent vivement attaquées par Marx et Engels aussi longtemps qu’elles gangrenaient le socialisme. Après la mort d’Engels, l’une des plus grandes attaques contre le marxisme apparut toutefois au sein du mouvement prolétarien lui-même. Étant donné que l’opposition directe au marxisme était très difficile, cette attaque vint sous la forme d’une tentative de “réviser” le marxisme. Cette tendance, plus tard appelée révisionnisme, fut initiée d’abord par Bernstein, l’un des principaux membres du parti allemand, mais aussi de la Deuxième Internationale. Il présenta d’abord son point de vue en 1898-1999 au sein du parti allemand. Bernstein proposa que, en raison de l’évolution des conditions historiques, il fallait modifier toutes les propositions fondamentales faites par Marx. Il déclara qu’il n’était plus nécessaire que l’avènement du socialisme passe par une révolution violente et que la réforme des institutions capitalistes entraînerait progressivement le socialisme. Au fur et à mesure que l’opportunisme augmentait en importance dans le mouvement ouvrier, le révisionnisme de Bernstein trouva bientôt des partisans dans divers partis. Cependant, en même temps, de nombreux révolutionnaires authentiques se rallièrent au marxisme. Le débat fut repris avant le Congrès de la Deuxième Internationale tenu en 1904. Le Congrès condamna fermement le révisionnisme par un vote de 25 à 5, avec 12 abstentions. Une autre résolution, qui ne condamnait pas si fermement le révisionnisme, fut rejetée à 21 voix contre 21. Ainsi, dans les deux décisions du Congrès, il y avait une très grande section de l’Internationale qui soutenait ou ne voulait pas prendre de position claire contre le révisionnisme. Bien que le Congrès ait finalement condamné le révisionnisme, il était tout à fait clair, en 1904, que l’opportunisme et le révisionnisme avaient construit une base substantielle aux plus hauts niveaux du mouvement ouvrier international. L’opposition à l’opportunisme dans de nombreux pays était cependant forte. Un des centres majeurs de lutte était la Russie, où les bolcheviques, sous la direction de Lénine avaient déjà mené de nombreuses luttes contre les variétés russes d’opportunisme.