La fin de la Première Guerre mondiale fut une période de recrudescence révolutionnaire dans le monde entier. Le succès de la révolution d’Octobre résonna dans de nombreux pays, même là où le marxisme n’avait que peu ou pas d’influence. L’Europe, principal champ de bataille de la guerre, était dans une crise révolutionnaire importante. La guerre entraina le renversement de quatre empereurs et l’éclatement de leurs quatre grands empires : russe, allemand, austro-hongrois (Habsbourg) et turc (Ottoman). Les structures de l’État étaient en ruine et les masses étaient d’humeur à la révolte. Les manifestations de masse commencèrent avant même la fin de la guerre. En janvier 1918, une vague de grèves politiques de masse et de manifestations anti-guerre balaya l’Europe centrale. Cette vague fut suivie de révoltes dans les forces armées de différents pays. Il y eut également un regain national qui a conduisit à la formation de nombreux nouveaux États après l’éclatement des anciens empires.

En Allemagne et en Hongrie, la crise entraina une révolution. En novembre 1918, les marins allemands se mutinèrent, ce qui déclencha immédiatement une vague de révolte dans toute l’Allemagne qui se traduisit par le renversement de l’empereur et la création d’une république sous la direction du parti social-démocrate. Des soviets furent immédiatement établis à Berlin et dans d’autres villes. Ceux-ci furent cependant écrasés en janvier 1919 après deux semaines de combats de rue contre les forces militaires réactionnaires, qui avaient été réorganisées par le gouvernement social-démocrate. Plus tard, une République soviétique fut formée en Bavière (une province d’Allemagne) en avril 1919. Mais celle-ci fut également écrasée.

En Hongrie, les communistes menèrent une coalition avec les sociaux-démocrates et prirent le contrôle du gouvernement en mars 1919. Ils furent cependant chassés en cinq mois par la pression militaire des gouvernements alliés. Les luttes des travailleurs se poursuivirent pendant au moins quatre années supplémentaires, mais ces deux révolutions se soldèrent finalement par un échec.

Néanmoins, la marée montante de la révolution et le succès de la révolution en Russie conduisirent à la formation de partis communistes dans de nombreux pays. Une base réelle existait désormais pour une union des partis communistes, pour la formation de la troisième Internationale communiste. Comme mentionné précédemment, Lénine et les Bolcheviks avaient lancé l’appel à la formation de la Troisième Internationale en 1914. Ils prirent donc l’initiative de la mettre en place.

En janvier 1919, Lénine adressa une lettre ouverte aux travailleurs d’Europe et d’Amérique, les exhortant à fonder la Troisième Internationale. Peu après, des invitations à un congrès international furent envoyées. En mars 1919, le premier congrès des partis communistes de différents pays, tenu à Moscou, fonda la nouvelle Internationale communiste. Le congrès mit en place son comité exécutif.

Un mois seulement après le premier congrès, Lénine expliqua de la manière suivante la signification historique de la troisième internationale : « La Ie Internationale a jeté les fondements de la lutte prolétarienne, internationale, pour le socialisme. La IIe Internationale a marqué la période de préparation du terrain pour une large, pour une massive diffusion du mouvement dans un ensemble de pays. La IIIe Internationale a recueilli les fruits du labeur de la IIe Internationale, elle en a retranché la souillure bourgeoise et petite-bourgeoise, opportuniste et social-chauvine, et a commencé à réaliser la dictature du prolétariat. » Il souligna ainsi que l’aspect le plus significatif de la Troisième Internationale était qu’elle représentait désormais le prolétariat qui avait réussi à s’emparer du pouvoir d’État et avait commencé à établir le socialisme.

Après d’intenses travaux préparatoires, le deuxième congrès de l’Internationale communiste, tenu en juillet 1920, fut un grand succès avec une large représentation de 41 pays. Lénine fit d’importantes contributions à la théorie marxiste à l’occasion de ce congrès. Il prépara ce qu’il entendait être un manuel de stratégie et de tactique du parti communiste, qui fut distribué aux délégués du congrès. Il s’intitulait Le communisme de gauche, un trouble infantile et se concentrait sur la correction des erreurs «gauchistes» qui prévalaient alors dans de nombreux partis ayant rejoint l’Internationale. Lénine prépara également les Thèses sur la question nationale et coloniale adoptées au Congrès. Il s’agissait d’un document historique, qui posait les bases théoriques marxistes-léninistes pour comprendre et diriger les luttes de libération nationale qui s’intensifiaient à l’époque dans toutes les colonies et semi-colonies. En outre, Lénine exposa les tâches fondamentales de l’Internationale communiste et les Thèses sur la question agraire adoptées lors de ce Congrès. Le Congrès adopta également des thèses sur le rôle du parti communiste dans la révolution prolétarienne, sur le mouvement syndical, sur les partis et le parlement communistes, ainsi que les statuts et les conditions d’admission à l’Internationale communiste. Dans ses statuts, le Comintern (Internationale communiste) déclara clairement qu’il «rompt une fois pour toutes avec les traditions de la Deuxième Internationale, pour laquelle il n’existait que des gens à peau blanche».

Outre les formulations théoriques, l’Internationale, par l’intermédiaire de son comité exécutif, commença à jouer un rôle de premier plan dans l’orientation des partis et des mouvements dans ses différents pays membres. En particulier, elle essaya de tirer le meilleur parti de la situation révolutionnaire d’après-guerre dans les pays capitalistes, qui se poursuivit jusqu’en 1923. Cependant, en raison principalement de la trahison de la Seconde Internationale Sociale-Démocrate et des faiblesses idéologiques et organisationnelles des partis communistes dans ces pays, la révolution ne put être menée à bien dans aucun autre pays capitaliste.

Le Comintern joua cependant un rôle important dans l’établissement, le développement et l’orientation des partis communistes nouvellement formés dans les colonies et les semi-colonies. Au cours des années 1920, alors que les mouvements de libération nationale dans ces pays avançaient à grands pas, le Comintern tenta de guider et de former les partis communistes pour qu’ils fournissent la direction de ces mouvements. C’était la première fois que le marxisme se construisait une base parmi les peuples des pays sous-développés du monde.