Les premiers mouvements nationaux émergèrent en Europe de l’Ouest, principalement dirigés par la bourgeoisie dans son combat contre le féodalisme. L’objectif principal de ces mouvements nationaux était d’unir en une seule nation et État un grand territoire, qui était sous le règne de nombreux seigneurs féodaux. Cela était nécessaire pour la bourgeoisie afin d’obtenir un seul grand marché et d’éviter le harcèlement et la domination de plusieurs seigneurs féodaux. Ainsi, la révolution bourgeoise contre le féodalisme et le mouvement national pour établir un seul État-nation furent souvent réunis en une seule et même chose. Le mouvement national n’était donc pas qu’une lutte pour l’indépendance de l’oppression d’une autre nation. Dans toute l’Europe de l’Ouest, le seul endroit où un vrai mouvement national pour l’indépendance eut lieu fut lorsque l’Irlande se battit pour se libérer de la Grande-Bretagne.

Marx et Engels vivaient à cette période où les luttes de libération nationale n’avait pas encore éclatées de manière importante. Ainsi, ils ne dédièrent pas une grande attention au développement de la théorie marxiste sur la question nationale. Marx formula cependant la position de base en relation avec la Question Irlandaise en appelant le prolétariat anglais à soutenir la lutte nationale du peuple irlandais et à s’opposer à son oppression nationale.

La phase suivante des mouvements nationaux vint d’Europe de l’Est, avec la diffusion du capitalisme, et l’affaiblissement des empires russes et austro-hongrois. Les organisations et mouvements nationaux commencèrent à s’élargir dans toute l’Europe de l’Est, y compris la Russie. Il était nécessaire pour le mouvement prolétarien international et pour le POSDR d’avoir une juste compréhension et position sur cette question. Ce fut pendant cette période que Staline, en 1913, fit la première présentation systématique marxiste de la question nationale. Staline lui-même était Géorgien, un membre d’une nationalité opprimée en Russie, où un mouvement national se développait rapidement. En Géorgie, il était par conséquent doublement nécessaire de présenter la juste compréhension marxiste et d’adopter la position politique correcte. C’est ce que Staline tenta de faire son œuvre pionnière, Le Marxisme et la question nationale.

Dans son œuvre, Staline commença par définir ce qu’est une nation: c’est « une communauté stable, historiquement constituée, de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique, qui se traduit dans la communauté de culture. » Staline rejetait le concept de nation basée simplement sur la religion ou la culture, comme les Juifs. Il insista que la communauté devrait avoir toutes les caractéristiques mentionnés ci-dessus pour être appelé une nation. Il proposa que toutes les nations aient le droit à l’auto-détermination. Ce droit à l’auto-détermination ne peut cependant pas être limité à l’autonomie, ou à se lier en une fédération, comme certains partis à cette époque le proposaient. Le droit à l’auto-détermination doit inclure le droit à la sécession, c’est-à-dire de se séparer et d’exister comme un État indépendant. Cependant Staline indiqua que la manière dont s’exerce le droit dépend des conditions historiques concrètes à un moment donné. C’était donc aux révolutionnaires d’essayer d’influencer la décision de la nation concernant son auto-détermination. La décision du parti révolutionnaire devrait être basée soit sur l’autonomie, la fédération, soit la sécession, ou toute autre chose qui serait dans le meilleur intérêt des masses laborieuses et en particulier du prolétariat.

Bien que la présentation de Staline ait clarifié beaucoup de questions, elle était toujours incomplète, car elle ne liait pas la question nationale à l’impérialisme et à la question des colonies. Cela fut seulement fait après l’analyse de l’impérialisme par Lénine en 1916. Sur la base de l’analyse de l’impérialisme, Lénine lia la question de l’auto-détermination des nations aux luttes de libération nationale menées dans les pays coloniaux. Ainsi, cela touchait la grande majorité des peuples du monde et il en résultait que la question nationale n’était plus un simple problème étatique interne de quelques pays qui avaient des nationalités opprimés au sein de leurs frontières. La question nationale devint un problème mondial, une question de libération des peuples opprimés de tous les pays et colonies dépendants du poids de l’impérialisme.

Ainsi quand Lénine présenta, en 1916, ses Thèses sur la Révolution Socialiste et le droit des nations à l’auto-détermination, il y inclut tous les pays du monde. Il divisait les pays du monde en trois types principaux :

Premièrement, les pays capitalistes avancés d’Europe de l’Ouest et des États-Unis d’Amérique. Ce sont les nations dominantes qui oppriment les autres nations dans les colonies et à l’intérieur de leur propre pays. La tâche du prolétariat de ces nations dominantes est de s’opposer à l’oppression nationale et de soutenir la lutte nationale des peuples opprimés par leur classe dirigeante impérialiste.

Deuxièmement, l’Europe de l’Est et en particulier la Russie. La tâche du prolétariat dans ces pays est d’arborer le droit des nations à l’auto-détermination. Dans ce lien, la tâche la plus difficile, mais aussi la plus importante est d’unir la lutte de classe des travailleurs des nations dominantes avec la lutte de classe des travailleurs des nations opprimées.

Troisièmement, les pays semi-coloniaux, comme la Chine, la Perse, la Turquie et toutes les colonies, qui avaient une population combinée qui comptait alors un milliard de personnes. Concernant ceux-ci, Lénine prend la position que les socialistes ne doivent pas seulement revendiquer la libération immédiate et inconditionnelle des colonies sans compensation, mais qu’il faut aussi donner un soutien déterminé au mouvement pour la libération nationale dans ces pays et soutenir la révolte et la guerre révolutionnaire contre les puissances impérialistes qui les oppriment.

C’était la première fois dans le mouvement socialiste international qu’une position aussi claire était prise concernant les questions nationales et coloniales. Il y avait naturellement des débats et de la confusion. Parmi ceux-ci était alors la question du soutien à l’auto-détermination et la libération nationale, qui s’opposerait à l’internationalisme prolétarien. Il était avancé que le socialisme visait la fusion de toutes les nations. Lénine convenait que le but du socialisme est d’abolir la division de l’humanité en petits États, de rapprocher les nations et même de les fusionner. Cependant, il estimait qu’il serait impossible d’atteindre cet objectif par la fusion forcée des nations. Ceci ne peut être accomplit qu’en passant par la période de transition de la libération complète de toutes les nations opprimées, c’est-à-dire leur liberté à faire sécession. Lorsque Lénine présenta le programme du parti en 1917, il dit que « Nous voulons la libre unification, c’est pourquoi nous devons reconnaître le droit à faire sécession. Sans droit à faire sécession, l’unification ne peut pas être dite libre. » C’était l’approche démocratique du prolétariat à la question nationale, qui s’opposait à la politique de la bourgeoisie d’oppression nationale et d’annexion.