Je travaille dans les titres-services et je gagne 1400€ par mois. Je peux vous dire que je n'allumerai pas mon chauffage de l'hiver !

Chaque semaine, lors de nos actions, on récolte de nombreux témoignages.

Voici par exemple le récit d’une ouvrière des titres-services (on a retranscrit ses propos) :

Dimanche passé, c’était mon anniversaire, j’ai eu 57 ans. Durant mes jeunes années, j’ai travaillé dans l’Horeca en Espagne puis en Belgique. Puis j’ai travaillé dans les titres-services. Aujourd’hui je me sens épuisée. Je travaille beaucoup et je dois m’occuper seule de ma fille de 18 ans qui termine l’école. J’ai perdu mon mari, le père de ma fille, à cause du Covid.

Je ne veux pas me plaindre mais mon travail n’est pas facile. Mon corps est comme une voiture qui vieillit et qui commence à casser de partout. Depuis quelques mois par exemple j’ai un problème au poignet qui au bout de quelques heures de travail se met à gonfler et à faire mal. Du coup je suis obligée de prendre mes potions magiques pour faire aller. Mais bon je me demande comment j’irai dans quelques années. Quand je rentre chez moi le soir après fait le ménage 8 heures, je peux vous dire que je veux juste aller me coucher. Mais je dois préparer à manger, m’occuper de ma fille, etc.

Vous voyez là je me tiens devant vous droite comme un roseau. C’est parce que je n’ai pas le droit, enfin plutôt je ne me donne pas le droit de baisser la tête. Déjà j’ai ma fierté et puis je ne peux pas me le permettre car il y a ma fille. Si je perds mon boulot ou si je flanche, on ne s’en sortira pas. Il y a quelques mois, j’ai eu un cancer du sein. On a vraiment cru que j’allais y passer mais j’ai tenu bon et maintenant je suis debout.

Aujourd’hui je gagne environ 1400 euros par mois à temps plein. C’est pas grand-chose, surtout avec les prix fous qui montent. Je suis obligée de faire un petit boulot sur le côté (je prépare des repas). On se prive de plus en plus et on garde la tête hors de l’eau grâce à des astuces pour peu consommer. En tout cas je peux vous dire que je n’allumerai pas mon chauffage de l’hiver haha !

Certaines femmes d’ouvrages ont des problèmes avec leurs clients mais moi j’ai de la chance je m’entends super bien avec tous mes clients. Il faut dire que ça fait maintenant des années et des années que je les connais. Et je fais super bien mon travail, quoi qu’il arrive. C’est une question de fierté ; je ne pourrais pas supporter que l’on ne soit pas satisfait de mon travail !

Un truc que je fais automatiquement maintenant, c’est me mettre en mode « pilote automatique ». Le réveil sonne, je me lève, même si je suis claquée, même si j’ai froid, même si j’ai pas envie. Je mange, je fais à manger à ma fille, puis je prends le bus pour aller au travail comme à l’usine… Le mode « pilote automatique » me permet de jamais flancher. Au travail et dans mon ménage, je suis obligée d’être assez ordonnée, parfois au millimètre, sinon ça part en cacahouète.

Ce qui est fou c’est de voir la différence entre l’époque de ma jeunesse et aujourd’hui. Durant ma jeunesse, on pouvait épargner, partir en vacances. On avait plus avec ce qu’on gagnait. On pouvait profiter un peu et trouver du boulot assez facilement. Aujourd’hui, pour trouver du boulot c’est le parcours du combattant et quand on travaille on peut quand même être pauvre. Moi par exemple je ne peux pas vraiment me permettre de partir en vacances. Y a des factures à payer dans tous les sens et je ne sais quasi pas mettre de côté. C’est presque au jour le jour.

J’aimerais beaucoup participer à vos activités mais franchement je me sens trop fatiguée et quand j’ai quelques heures pour moi, je les passe à essayer de me reposer ; je vais me balader et changer d’air. En ce moment le monde va mal et les gens ne se sentent pas bien. Mais ceux qui me donnent du réconfort, c’est les enfants. Eux ils ne se rendent pas encore compte de ce qui se passe, ils sont insouciants et purs. Quand je peux je vais dans un parc pour enfants et je les regarde jouer. Ça me redonne le sourire !

Ma fille c’est vraiment une super fille, elle m’aide à tenir et c’est ma plus grande fierté ; elle est gentille, positive, sérieuse. Mais elle a du mal à se faire des amis, elle est fort renfermée en ce moment. Il faut dire qu’elle n’a pas eu la vie facile non plus. Je lui parlerai de votre groupe. Je pense que c’est vous la jeune génération qui allez changer les choses. Vous avez l’énergie pour et vous êtes une génération différente.