Allocution prononcée devant les agitateurs travaillant au front parmi les soldats de nationalité non russe, le 4 août 1943


Camarades,

J’éprouve une satisfaction très vive à me rencontrer avec les agitateurs de l’Armée rouge représentant presque toutes les nationalités de l’U.R.S.S. qui prennent part à la Grande Guerre nationale.

Cette guerre est pénible et sanglante. Et bien des familles ont été éprouvées depuis plus de deux ans qu’elle dure. Mais nous n’avons pas d’autre issue que de combattre. La question se pose ainsi : ou bien nous cirerons les bottes des fascistes, nous deviendrons leurs esclaves, nous périrons, ou bien nous nous battrons pour sauver notre liberté et notre indépendance.

Quand les fascistes allemands ont commencé cette guerre, ils ne nous considéraient pas comme des hommes ; à leurs yeux nous étions du bétail. Voilà ce qu’ils croyaient au début. Aujourd’hui, après avoir essuyé nos coups, ils comprennent de mieux en mieux ce que représente l’Union soviétique. Avant, tous nos soldats, pour eux, c’étaient des Russes ; mais ils ont vu que ces soldats, ces bons soldats, ce ne sont pas seulement des Russes, mais aussi des Turkmènes, des Kazakhs, des Ouzbeks, des Azerbaïdjanais, etc. Auparavant, ils croyaient que les Ukrainiens et les Biélorusses les accueilleraient avec joie et se soulèveraient contre les Russes. Quant aux autres nationalités, ils ne comptaient pas avec elles.

La guerre a montré que l’Union soviétique est une grande famille unie, qu’entre ses membres il existe une cohésion comme le monde n’en a jamais connu. Bien entendu, il y a d’infimes exceptions. Certains consentent à travailler pour les Allemands, à être starostes ou à remplir d’autres fonctions, mais ce sont des cas isolés, et dans un’ pays aussi grand que le nôtre, ils ne jouent aucun rôle. Les soldats de toutes les nationalités représentées à l’Armée rouge défendent leur patrie avec abnégation, ils savent se battre, ils font preuve de la plus grande vaillance, du plus grand héroïsme. Et nos ennemis étaient loin de s’y attendre.

Chez nous, tout le monde se bat. Sous le tsarisme, les Azerbaïdjanais et les peuples de l’Asie centrale : Turkmènes, Ouzbeks, Kazakhs, Kirghiz et autres n’allaient pas à la guerre, ils n’étaient pas appelés sous les drapeaux. Le gouvernement tsariste n’avait pas confiance en eux et ne voulait pas leur enseigner à faire la guerre. Car vous savez que si elle exige des peuples de grands sacrifices, elle permet d’autre part à la population masculine d’apprendre à bien manier les armes. Et un peuple qui manie bien les armes ne se laissera pas marcher sur les pieds. Voilà pourquoi le gouvernement tsariste n’admettait pas à l’armée les représentants de ces nationalités, à l’exception d’une poignée de paysans riches et de nobles qui étaient en somme les agents du gouvernement tsariste et de sa politique.

Le gouvernement soviétique n’avait aucune raison d’adopter pareille attitude envers les peuples habitant notre territoire. Chez nous, tous les peuples sont égaux. Tous les peuples de l’Union soviétique, même ceux qu’on considérait autrefois comme très arriérés, participent aujourd’hui à la guerre. Je ne parle pas des Géorgiens, des Arméniens ou des Tatars qui prenaient déjà part à la guerre sous le tsarisme.

Bien entendu, entraîner la population des républiques et régions nationales à la guerre, au maniement des armes, à la discipline militaire était une tâche difficile. Et seul le pouvoir des Soviets pouvait l’accomplir.

Nous nous disons souvent internationalistes, mais tout le monde ne comprend pas ce que cela signifie. Certains pensent que se dire internationaliste, c’est ne plus se considérer comme un Russe, ou comme un Ouzbek, ou comme un Kazakh. Cela est absurde. Etre internationaliste, c’est respecter chaque nationalité, voilà tout. Notre maître dans la question nationale, c’est le camarade Staline qui dirige la politique nationale depuis de longues années. Dès avant la Révolution, il était le conseilleur de Lénine en cette question. Le camarade Staline nous enseigne à respecter chaque nationalité. Quand on respecte toutes les nationalités, on est un internationaliste. Mais quand on est Russe, par exemple, et que l’on ne considère comme bien que ce qui est russe, on est un chauvin, et non un internationaliste, on est un homme à courte vue, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez.

La politique nationale stalinienne a permis de mobiliser tous les peuples de notre pays pour la Guerre nationale ; la politique stalinienne fait de tous nos peuples des héros ; elle ouvre la voie à tous les hommes de talent de notre pays.

En effet, si un homme soviétique a du talent, quelle que soit sa nationalité, il ne cessera de monter. Vous savez combien on compte aujourd’hui dans l’Armée rouge d’officiers de toutes les nationalités parfaitement préparés. A l’heure actuelle, ce sont des lieutenants, de jeunes colonels, et dans quelque temps ce seront des généraux et des maréchaux. Chez nous, l’avancement dépend non pas de la nationalité, mais de l’intelligence et du courage déployés. Un homme qui manque d’intelligence, un mauvais soldat ne reçoit pas d’avancement ; mais si un soldat ou un officier a du talent, de l’intelligence, s’il connaît bien son affaire, il s’élèvera très haut, quelle que soit sa nationalité. Ce principe est rigoureusement appliqué par notre Haut Commandement. Nul ne peut dire que le camarade Staline donne la préférence à tel ou tel peuple. Il est un père pour tous, il encourage et réprimande tous ceux qui le méritent, et il fait avancer les hommes de talent de toute nationalité.

Je toucherai encore une question importante : celle de l’étude du russe par les soldats de nationalité non russe. Elle est indispensable. Dans l’armée on ne peut se passer de la connaissance du russe. C’est en russe que sont composés nos règlements militaires, en russe que sont écrites les instructions de combat, en russe que sont donnés les ordres. Le russe met en contact tous les peuples de l’Union soviétique. Le russe, c’est la langue de Lénine. C’est dans cette langue que notre chef, le camarade Staline, s’adresse aux hommes soviétiques et à l’Armée rouge.

Les premiers temps, la connaissance du russe sera, bien entendu, assez limitée chez les soldats de nationalité non russe, et ils penseront naturellement dans leur langue maternelle. Si donc vous voulez les toucher, adressez-vous à eux dans leur langue maternelle ; ils sentiront mieux ainsi ce que vous leur direz. Cette langue trouvera le chemin de leur cœur et rendra toutes les nuances de votre pensée. L’agitateur a donc beau étudier le russe, il n’en est pas moins tenu de parler également aux soldats de nationalité non russe en leur langue maternelle. Etudiez le russe, mais pour vous frayer un chemin vers le cœur du soldat, surtout les premiers temps, parlez-lui sa langue. Chez nous les agitateurs sont de la même nationalité que les soldats, et cela est fort bien.

Depuis le début de la guerre, tous nos peuples ont considérablement progressé. Ainsi, vous nous avez raconté que les Ouzbeks vous demandent comment ça va, chez eux, avec le coton. Mais à l’heure actuelle, le coton n’est plus l’essentiel pour l’Ouzbékistan ; le coton n’est resté l’essentiel que dans l’agriculture de la République d’Ouzbékie. Aujourd’hui, celle-ci possède une forte industrie. Depuis la guerre, un grand nombre de fabriques et d’usines y ont été évacuées, de nouveaux charbonnages se sont ouverts, de nouvelles centrales hydroélectriques fonctionnent. Et à présent, on ne peut plus dire que l’Ouzbékistan n’est renommé que pour son raisin et pour son coton. Non. Maintenant, c’est une république possédant une grosse industrie. Autrefois, la classe ouvrière y faisait presque entièrement défaut ; aujourd’hui, on y compte des centaines de milliers d’ouvriers.

La guerre exige de toutes nos nationalités de grands sacrifices, matériels et humains. D’autre part, la volonté de tous nos peuples se trempe, leur sentiment civique se développe, leur horizon s’élargit ; ils grandissent de toute une tête, et on peut dire qu’ils entrent dans l’arène mondiale. En effet, songez à ce que vous serez en revenant dans vos foyers, après que nous aurons battu les Allemands. Vous serez alors d’autres hommes, je dirai même des hommes que le monde entier connaîtra, des hommes conscients d’avoir pris une part directe à la création de l’histoire du monde.

Les agitateurs qui ont pris la parole ont dit très justement qu’il faut savoir s’y prendre avec chaque nationalité en particulier, car les hommes de chaque nationalité ont vécu et vivent dans des conditions différentes, et cela met nécessairement son empreinte sur les peuples. Ainsi, les peuples du Caucase et de Transcaucasie ont un profond respect pour les aimes, et ils accordent une très grande importance à la remise solennelle des armes. Les Ouzbeks, eux, ont beaucoup de respect pour les vieillards. L’agitateur doit absolument tenir compte des habitudes, des mœurs, des coutumes nationales.

Je crois néanmoins qu’il y a aussi une façon générale d’aborder tous nos peuples. Vous savez qu’un agitateur n’a pas grand’chose à dire à un soldat qui se bat bien et qui sait s’orienter dans les événements. Mais si un soldat 6e bat mal, s’il fait preuve de pusillanimité, — qu’il soit Géorgien, Kazakh ou Ouzbek — voici à peu près ce que, selon moi, un agitateur peut lui dire : « Tu veux donc que nous ne participions pas à la guerre quand toutes les autres nationalités se battent comme des lions ? Mais voyons, pouvons-nous rester en marge de la guerre ? Voudrais-tu qu’à cause de toi on pense que nous sommes un peuple pusillanime ? Songes-y : ce serait du beau si notre république passait pour un pays dont les gens ne savent pas se battre, sont incapables de faire la guerre et de se défendre ! Comment pourrions-nous, après cela, regarder les autres peuples en face ; comment pourrions-nous progresser, développer notre culture ? Tu n’es pas seul à faire la guerre. Aujourd’hui, tout le monde se bat. Et toi, tu ne veux pas te battre ? Tu veux donc qu’on fasse de nous des esclaves ? Non ! Cela nous ne le permettrons jamais. Mieux vaut mourir en combattant que rentrer chez soi avec le stigmate de la lâcheté ou de la trahison. Maintenant nous faisons la guerre non pour une ville ou un territoire, non parce que les Allemands veulent s’emparer, de quelque ville frontière que nous ne voulons pas leur céder. Mais parce que les Allemands veulent nous réduire en esclavage et édifier sur nos squelettes leur domination mondiale. Des territoires envahis par eux, ils ont envoyé dans les bagnes d’Allemagne une foule de citoyens soviétiques. Beaucoup sont morts, succombant à la faim et à un travail au-dessus de leurs forces. C’est contre tout cela que nous faisons la guerre. A présent, on ne peut plus dire que la guerre se déroule quelque part à l’ouest et qu’elle ne nous concerne pas. »

Quand on s’adresse à quelqu’un dans sa langue maternelle, on peut parler plus librement, car il comprend tout comme il faut. Un Ouzbek se sent à l’aise avec des Ouzbeks, et un Kazakh avec des Kazakhs. Si les soldats vous disent : « Pourquoi nous parles-tu ainsi et nous fais-tu des reproches ? », vous pourrez leur répondre : « Moi aussi, je suis un Ouzbek (ou un Kazakh), j’aime mon peuple tout autant que vous et c’est pourquoi je vous parle ainsi. »

Chacun est fier de sa nationalité, — le Russe comme les autres — et c’est tout naturel : n’est-il pas le fils de son peuple ? C’est là un fait très important, qui a une portée très grande et qu’il ne faut jamais perdre de vue quand on fait de l’agitation. Eduquez en nos hommes le patriotisme soviétique, la fierté nationale ; rappelez à chaque soldat les traditions héroïques de son peuple, ses magnifiques épopées, sa littérature, ses grands hommes de guerre, ceux qui ont lutté pour affranchir les masses. Mais ce n’est pas tout. La fierté nationale et le patriotisme de nos hommes doivent se manifester par des actes. Chaque peuple a ses héros nationaux. Qu’ils soient donc encore plus nombreux. C’est la guerre, et on sait que la guerre engendre des héros. Travaillez à former des combattants courageux et hardis ; aidez les soldats de nationalité non russe, afin qu’ils puissent devenir des sous-officiers et des officiers de l’Armée rouge.

Les peuples de l’U.R.S.S. considèrent — et très justement — le peuple russe comme un frère aîné. Il faut que vous connaissiez bien aussi le glorieux passé du peuple russe, ses héros nationaux, ses grands hommes, et que vous en parliez aux soldats de nationalité non-russe. Cela unira plus étroitement encore tous les peuples de notre pays ; cela renforcera leur amitié.

Mais pour renforcer cette amitié des peuples, il ne faut pas avoir recours uniquement aux faits et aux événements du passé. Le front nous fournit un grand nombre d’exemples magnifiques d’amitié au combat de soldats de nationalités différentes. Popularisez ces exemples, que chacun en soit informé. Les agitateurs peuvent faire beaucoup dans ce sens.

Maintenant, la guerre prend un tour qui nous est de plus en plus favorable. Et c’est grâce à nos soldats de toutes les nationalités. Tous nos peuples rivalisant d’héroïsme, se battent avec courage et abnégation.

Notre Armée rouge est une grande famille de combattants où tous les peuples sont unis par une amitié solide, inébranlable. Or, l’amitié des peuples, a dit le camarade Staline, est ce que la politique nationale bolchevique nous a donné de plus précieux. Elle est le sûr garant de notre victoire sur l’envahisseur fasciste allemand.

Du travail de masse du Parti, pp. 27-31, Editions Gospolitizdat, 1943.