Le 26 février 1942


Camarades,

Votre conférence a un but bien défini : c’est de tenir conseil sur la meilleure façon de se préparer aux travaux printaniers dans les champs, sur la meilleure façon d’effectuer les semailles de printemps. Cela pose devant les komsomols des tâches très sérieuses. A la campagne, les komsomols sont une grande force. Si cette force est organisée, si les komsomols des kolkhoz réussissent tous ensemble à entraîner derrière eux non seulement la jeunesse, mais aussi les kolkhoziens adultes, des succès indéniables leur seront assurés pour les semailles de printemps.

Bien entendu, le Komsomol ne sera pas seul à s’occuper de préparer et d’effectuer les semailles de printemps. Les organisations du Parti et les organes administratifs s’en occuperont aussi. Mais comme nous attachons une très grande importance au succès de la campagne d’ensemencement, nous voulons que tout le monde se mobilise, le Komsomol y compris.

… Nous sommes en pleine guerre. Je ne me tromperai sûrement pas en affirmant que dans les campagnes chacun désire que les Allemands soient battus.

Mais désirer ne suffit pas et équivaut à ne rien faire. Si on veut que les Allemands soient battus, il faut les battre, non par des paroles, mais par des actes. Pour ce qui est de la région de Moscou, disons-le franchement : si vous voulez travailler vous aussi à assurer la victoire sur l’envahisseur fasciste allemand, vous devez planter le plus de pommes de terre possible. Bien sûr, il se peut qu’une paysanne vous dise : «Battre l’occupant avec des pommes de terre ?! » Pareilles réflexions sont possibles. Mais les komsomols doivent faire comprendre aux kolkhoziens que l’immense Armée rouge qui mène la lutte contre l’envahisseur allemand et qui progresse vers l’ouest, doit être bien nourrie, qu’il faut lui fournir tout le nécessaire. Vous comprenez vous-mêmes qu’un soldat à l’armée doit endurer bien des privations, bien des souffrances. Il reste dans la tranchée, jour et nuit, exposé au froid. Pour qu’il ait la force, l’énergie, le désir constant de se battre, pour que son moral soit bon, il faut qu’il mange bien et à sa suffisance. Si l’on vous privait de nourriture deux ou trois jours, et si ensuite on vous proposait de faire de la course ou de jouer au football, chacun de vous dirait : « Il m’est impossible de courir », ou bien : « Je ne suis pas en état de jouer au football. » Il faut donc donner aux combattants une nourriture qui soit copieuse et qui soit bonne. Nous devons fournir en abondance à notre armée tous les produits nécessaires. Nous devons donner à l’armée et à la population le plus de viande possible. Les pommes de terre sont une excellente nourriture pour les porcs, et plus nous nourrirons de porcs, plus l’armée et la population recevront de viande.

En cette année de guerre, les semailles de printemps doivent s’effectuer de façon exemplaire et dans le plus bref délai. Nous devons, en semant bien, poser les bases d’une récolte abondante.

Par conséquent, camarades komsomols, vous devez faire en sorte que les semailles de printemps soient bien effectuées et en premier lieu que le plan soit réalisé et que chaque parcelle de terre libre soit utilisée au maximum. Telle est notre tâche. Et j’ajouterai que cette tâche doit être une loi pour chaque citoyen soviétique. C’est la première tâche, camarades. Mais il en est une deuxième : c’est d’obtenir les plus hautes récoltes, de prendre à la terre tout ce qu’elle peut donner. Voilà pourquoi la qualité des travaux de printemps doit assurer le succès de la récolte. Et vous, camarades komsomols, vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que les semailles de printemps s’effectuent de façon modèle et que les bases d’une haute récolte soient ainsi posées. Je ne vous dirai pas comment il faut vous y prendre : vous êtes des kolkhoziens, et vous le savez tout aussi bien que moi.

Vous avez donc deux tâches primordiales à accomplir : la première, c’est de semer le plus possible ; la deuxième, c’est de rentrer une récolte abondante. Vous servirez ainsi la Patrie, camarades, vous viendrez en aide au front, vous participerez de la façon la plus efficace à la lutte contre le fascisme.

Les camarades ont déclaré ici que les komsomols font beaucoup pour préparer les semailles de printemps, qu’ils s’efforcent de bien préparer les kolkhoz aux travaux du printemps. C’est très bien. Tout cela est digne d’éloges, mais il me semble que certains komsomols cherchent à se substituer aux présidents de kolkhoz.

Vous dites : il nous manquait telle et telle chose, nous nous sommes mis en route, nous avons obtenu ceci, nous avons échangé cela. Que faisait donc le président ? Il restait à se chauffer sur son poêle ? Il faut que le président travaille davantage. Votre rôle est d’aider les autres, de les pousser, de les aiguillonner, de ne pas leur donner de cesse, de les piquer comme des abeilles : quand un homme est piqué par une abeille, il se remue !

Mais que voyons-nous ? Vous êtes prêts à faire tout vous-mêmes, tandis que le président se croiserait les bras en disant : Soit, qu’ils travaillent à ma place !

Ne l’oubliez pas, camarades komsomols : il y a deux façons de diriger ou de prendre part à l’organisation, à l’agitation, à la propagande.

L’une, c’est de tout faire soi-même. Il est des komsomols qui font tout : ce sont eux qui s’occupent de la bibliothèque, eux qui convoquent les réunions, eux qui font les rapports, eux qui font de l’agitation pour recruter de nouveaux membres au kolkhoz, eux qui reçoivent les cotisations. Bref, je le répète, ils sont seuls à tout faire. Ils sont occupés du matin au soir, alors que les autres komsomols qui vivent à côté d’eux ne s’occupent de rien. Cela arrive, et ma foi, les choses ont l’air d’aller pas mal. Pourtant j’estime, camarades, que l’organisateur ne doit pas seulement travailler lui-même, qu’il doit aussi faire travailler les autres, les entraîner par son exemple. Ainsi, imaginez-vous, si vous le pouvez, que je suis komsomol (ce qui hélas n’est plus possible) (rires), et que j’arrive au kolkhoz. Pour rien au monde je ne me mettrais à faire tout moi-même ; au contraire, je voudrais être aidé par les gens de l’endroit, je ferais en sorte que chacun ait sa tâche, sa mission, bref que chacun travaille. Bien mieux, si je remarquais qu’un komsomol fait partie de l’organisation et n’accomplit aucun travail, je l’occuperais le plus possible : aie la bonté de faire ceci, et puis de faire cela. Et je vérifierais souvent ce qu’il fait, comment il travaille.

C’est ainsi seulement que nous pouvons atteindre au succès. Comprenez bien, camarades, que quand on est beaucoup à travailler, quand chacun a sa tâche, quand le travail du Komsomol est réparti entre tous ses membres, cela marche évidemment mieux. Car malgré tout, dix hommes font plus et mieux qu’un seul.

On ne peut grouper la jeunesse en une organisation uniquement sur le terrain idéologique. On n’entre pas toujours au Komsomol par conviction idéologique. Bien entendu, dans sa grande masse, la jeunesse y adhère pour des motifs idéologiques : elle comprend que le Komsomol est le premier et le plus proche auxiliaire du Parti ; mais certains, lorsqu’ils entrent au Komsomol, sont insuffisamment préparés au point de vue idéologique, se représentent de façon confuse le contenu idéologique du travail que l’on attend d’eux. Pour en faire des hommes convaincus qui obéissent à une idée, il faut beaucoup s’occuper d’eux. Il faut que chaque membre du Komsomol s’habitue à voir dans l’organisation du Komsomol une partie de sa vie, de son existence. Et pour cela, il faut que jour après jour il fasse quelque chose. C’est au cours du travail pratique que l’homme s’éduque, progresse, devient un bon organisateur, élève son niveau idéologique. Voilà pourquoi il faut que chaque komsomol s’adonne au travail pratique, ait toujours quelque chose à faire et réponde de son ‘travail devant l’organisation du Komsomol. C’est seulement si le travail est collectif, unanime, que nous pourrons former de bons organisateurs, de bons travailleurs.

Pourquoi arrive-t-il souvent qu’un kolkhoz prospère tant qu’il a un bon président, et qu’il périclite et devient méconnaissable en l’espace d’un an si, ce boa président parti, on le remplace par un incapable ? Uniquement parce que les kolkhoziens eux-mêmes ne sont pas entraînés à l’activité pratique.

Voilà pourquoi les komsomols, s’ils veulent devenir de vrais organisateurs au kolkhoz, doivent non seulement prendre part à tous les travaux, mais encore être de bons organisateurs, s’intéresser au travail du chef d’équipe, du président du kolkhoz, de chaque kolkhozien, leur venir en aide, encourager les stakhanovistes de la production kolkhozienne, gronder, secouer les paresseux. Il faut qu’au kolkhoz les komsomols exercent une influence sociale et non pas qu’ils soient des administrateurs.

Vous saisissez la différence qu’il y a entre l’action administrative et l’action sociale. Supposons qu’à une réunion ouverte du Komsomol vous avez flétri ceux qui se livrent à la spéculation par exemple : cela aura une portée sociale ; vous leur aurez fait honte parce que profitant de la guerre, ils vendent leurs pommes de terre au marché à des prix exorbitants, vous vous serez efforcés d’exercer sur eux une influence sociale. Certes, on peut aussi agir sur le spéculateur par des mesures administratives, mais je ne parle ici que de l’action sociale, qui joue un grand rôle dans l’éducation de l’homme.

À l’heure actuelle, ce sont surtout des femmes qui travaillent dans les kolkhoz. Votre tâche, camarades komsomols, est d’entraîner toutes les femmes à un travail actif, d’éveiller en elles de hauts sentiments patriotiques, de les stimuler par votre exemple. Si vous y réussissez, le travail de l’organisation du Komsomol et son influence sur les masses seront très efficaces. Nous nous sommes déjà entendu avec vous : cette année nous effectuerons les semailles de printemps de façon parfaite, nous poserons les bases pour de hautes récoltes. Mais si vous voulez vraiment vous acquitter de cette tâche, vous devez attirer au travail le plus de femmes possible ; vous devez expliquer aux kolkhoziennes que du succès des semailles de printemps dépend le ravitaillement de notre Année rouge et de notre peuple. Je suis sûr que chez nous toutes les femmes sont intéressées à fournir à notre Armée rouge et à notre arrière le plus possible de produits de qualité supérieure. Vous, komsomols, vous devez faire en sorte que toutes les kolkhoziennes travaillent aux champs au moment des semailles. Il faut mesurer le travail des komsomols non seulement à ce qu’ils font eux-mêmes, mais encore au nombre de jeunes, de kolkhoziens, et surtout de femmes qu’ils auront entraînés derrière eux. Il faut bien comprendre que les femmes sont la principale force au kolkhoz, et que si nous obtenons qu’elles travaillent toutes aux champs, si nous savons les animer d’un haut sentiment de patriotisme, elles feront beaucoup.

Je pense que les komsomols seront appuyés par tous les kolkhoziens et toutes les kolkhoziennes s’ils mènent la lutte contre les fainéants avec toute la fougue de la jeunesse. On ne peut tolérer l’oisiveté, surtout en temps de guerre, quand des combats acharnés se déroulent, et que chaque jour des centaines d’hommes meurent sur les champs de bataille pour notre pays, pour notre Etat soviétique. Je pense que nous aurons la sympathie et l’appui du peuple entier si nous châtions sévèrement les fainéants et les parasites.

Aucun homme honnête ne peut se tenir à l’écart de la lutte en ces âpres journées de guerre où le sort de la Patrie se décide sur les champs de bataille. Imaginez-vous un homme qui se moque de tout, ne fait rien et ne veut rien faire. Cet homme est notre ennemi. Les komsomols doivent le clouer au pilori, le démasquer devant tous. Et s’il est incorrigible, le châtier sévèrement. Telle doit être votre ligne de conduite, camarades komsomols !

Les komsomols ont ù accomplir un grand travail responsable. Mais, camarades, si notre vaillante Armée rouge vient à bout d’un adversaire très fort, d’un adversaire qui n’a pas son égal dans le monde, si nos soldats le chassent vers l’ouest, s’ils nettoient le sol soviétique de la vermine fasciste, vous voulez, j’en suis sûr, être dignes de nos combattants : soldats rouges, officiers et travailleurs politiques. Vous ne devez craindre ni les responsabilités ni les difficultés, vous devez venir à bout des tâches qui vous sont posées…

Komsomolskaïa Pravda du 3 mars 1942