Dès que Mao prit la direction du PCC, il concentra tous ses efforts pour développer le Parti sur des lignes léninistes authentiques. En raison de la domination des lignes antérieures erronées, en particulier de la troisième ligne « de gauche » de Wang Ming, il y eut beaucoup de dysfonctionnements dans le Parti. En raison d’une compréhension sectaire, il n’y avait pas d’application correcte du centralisme démocratique et il persistait une mauvaise approche de la lutte de lignes. Les décisions étaient prises sans consultation et sans impliquer les cadres du parti en manipulant la tenue de plenums et d’autres réunions. La lutte de lignes n’était pas menée ouvertement et les représentants d’un autre point de vue étaient harcelés et punis. En raison également du dogmatisme, il n’y avait pas eu la mise en place d’une ligne de masse. Mao tenta de corriger ces déviations ainsi que de construire les organes appropriés pour le Parti. Dans ce processus, Mao clarifia et développa également de nombreux concepts organisationnels. Il essaya de corriger une certaine compréhension erronée qui s’était répandue dans le mouvement communiste international et aussi dans le PCUS sous la direction de Staline.

La tentative de Mao de corriger les écarts sectaires et bureaucratiques dans le Parti se retrouve dans son explication concernant le centralisme démocratique. La compréhension de Mao du centralisme démocratique est clairement « d’abord la démocratie, puis le centralisme ». Il expliqua cela de plusieurs façons : « S’il n’y a pas de démocratie, il n’y aura pas de centralisme », « Le centralisme est un centralisme fondé sur la démocratie. Un centralisme prolétarien avec une large base démocratique ».

Ce point de vue de Mao était fondé sur sa compréhension du centralisme comme signifiant avant tout la centralisation des idées correctes. Pour cela, il fallait que tous les camarades expriment leurs points de vue et leurs opinions et ne les gardent pas pour eux. Cela ne serait possible que s’il existait une démocratie des plus complètes où les camarades se sentiraient libres de dire ce qu’ils veulent et même d’exprimer leur colère. Par conséquent, sans démocratie, il serait impossible de résumer correctement toutes les expériences. Sans la démocratie, sans idées venant des masses, il est impossible de formuler de bonnes lignes, principes, politiques ou méthodes. Cependant, avec la démocratie prolétarienne, il serait possible de réaliser l’unité de la compréhension, de la politique, du plan, du commandement et de l’action sur la base de la concentration des idées correctes. C’est l’unité par le centralisme.

Mao ne limitait pas la compréhension du centralisme démocratique uniquement au fonctionnement du parti. Il élargissait l’analyse de la question à la gestion de l’État prolétarien et à la construction de l’économie socialiste. Mao estimait que, sans centralisme démocratique, la dictature du prolétariat ne pouvait pas être consolidée. Sans une large démocratie pour le peuple, il était impossible pour la dictature du prolétariat de se consolider ou que le pouvoir politique soit stable. Sans la démocratie, sans éveiller les masses et sans surveillance par les masses, il serait impossible d’exercer une dictature efficace sur les réactionnaires et les mauvais éléments ou de les faire changer efficacement. Mao fit ces observations après la montée du révisionnisme moderne en Union soviétique où il avait observé que les masses n’avaient pas été mobilisées pour exercer la dictature du prolétariat. Il avait également vu la montée des tendances révisionnistes au sein du PCC au plus haut niveau et reconnut que la seule garantie contre ces tendances était l’initiative et la vigilance des cadres inférieurs et des masses.

Ainsi, Mao déclara dans son discours en janvier 1962 : « Si nous ne défendons pas pleinement la démocratie populaire et la démocratie à l’intérieur du Parti, et si nous n’appliquons pas pleinement la démocratie prolétarienne, il est impossible pour la Chine d’avoir un véritable centralisme prolétarien. Sans un degré élevé de démocratie, il est impossible d’avoir un haut degré de centralisme et, sans un degré élevé de centralisme, il est impossible d’établir une économie socialiste. Et qu’arrivera-t-il à notre pays si nous ne parvenons pas à établir une économie socialiste? Il deviendra un État révisionniste, en fait un État bourgeois, et la dictature du prolétariat se transformera en dictature de la bourgeoisie et en dictature fasciste et réactionnaire. C’est une question qui mérite absolument notre vigilance, et j’espère que nos camarades lui donneront beaucoup de réflexion. »

La lutte de lignes est un autre aspect des principes d’organisation du parti, à propos desquels Mao développa une compréhension et une théorie marxistes. L’approche de Mao, basée sur le matérialisme dialectique, consistait à considérer les opinions incorrectes au sein du Parti communiste comme le reflet de classes étrangères dans la société. Ainsi, tant que la lutte des classes continuait dans la société, il devait y avoir son reflet dans la lutte idéologique au sein du Parti. Son approche de ces contradictions était également différente. Il les considérait comme étant au départ des contradictions non antagonistes, que l’on devraient essayer de rectifier par une «lutte sérieuse». Il doit être donné de larges possibilités de rectification et ce n’est que si les personnes qui commettent des erreurs «persistent» ou «les aggravent» que la contradiction risque de devenir antagoniste.

C’était une correction de la compréhension de Staline, qu’il avait présentée dans Les Principes du léninisme. Staline était opposé à toute tentative de corriger les mauvaises tendances par la lutte interne au Parti. Il appelait ces tentatives la « théorie de défaite des éléments opportunistes par la lutte idéologique au sein du Parti », et celle-ci était selon lui « une théorie pourrie et dangereuse qui menace de condamner le Parti à la paralysie et à l’infirmité chronique ». Une telle présentation refusait d’accepter la possibilité d’une contradiction non-antagoniste et traitait la lutte contre l’opportunisme en tant que contradiction antagoniste dès le début.

En tirant les leçons de cette expérience historique, Mao a présenté les méthodes de lutte à l’intérieur du Parti de la manière suivante : « Les dirigeants à tous les échelons du parti doivent y faire rayonner la démocratie et laisser les gens s’exprimer. Quelles en sont les limites? L’une d’elles est qu’on doit observer la discipline du parti, que la minorité doit se soumettre à la majorité et que l’ensemble du parti doit se soumettre au Comité Central. L’autre limite est l’interdiction d’organiser des factions secrètes. Nous n’avons pas peur d’une opposition ouverte, nous avons peur seulement des opposants camouflés. Devant vous, ces gens-là ne disent pas la vérité, mais des paroles mensongères et trompeuses ; ils n’exposent pas leurs buts réels. Mais dans la mesure où les opposants ne violent pas la discipline et ne mènent pas d’activités fractionnelles secrètes, nous leur permettons de s’exprimer et même s’ils disent des choses erronées, nous ne les punissons pas. Les paroles erronées peuvent être critiquées mais il faut convaincre les gens par le raisonnement. Que faut-il faire s’ils ne sont toujours pas convaincus? Ils peuvent être autorisés à réserver leurs opinions. Du moment qu’elle se soumet aux résolutions et aux décisions prises par la majorité, la minorité peut conserver une opinion différente. »

L’analyse de Mao était donc établie sur la base claire que, tant que la lutte des classes existait dans la société, il devait y avoir une lutte de classe dans le Parti, c’est-à-dire la lutte de lignes. Par conséquent, il était juste que cette lutte soit menée ouvertement selon les principes du centralisme démocratique. Ainsi, Mao, grâce à sa compréhension et à sa mise en œuvre du concept de lutte de lignes, tenta d’aboutir à une approche dialectique correcte des classes, de la lutte des classes et de la lutte interne au Parti.

Un autre domaine où Mao fit progresser le marxisme est celui de la ligne de masse. À partir de la compréhension de base marxiste-léniniste du Parti qui maintient les liens les plus étroits possibles avec les masses, Mao développa le concept de ligne de masse à un niveau qualitativement nouveau. Au niveau philosophique, il montra comment elle était un aspect essentiel de la théorie marxiste de la connaissance. Au niveau politique et organisationnel, il montra comment elle était la base d’une ligne politique correcte et aussi la manière dont elle était la ligne organisationnelle essentielle des relations à l’intérieur du Parti.

Mao expliqua que, dans le travail pratique du Parti, toute direction correcte est nécessairement « des masses, vers les masses. » Cela signifie qu’il faut prendre les idées des masses (idées dispersées et non systématiques) et les concentrer (par étude, les transformer en idées concentrées et systématiques), puis retourner vers les masses pour propager et expliquer ces idées jusqu’à ce qu’elles les embrassent comme leurs propres idées, y veillent, les traduisent en pratique et en testent l’exactitude au cours de cette pratique. Ensuite, il faut concentrer encore une fois les idées des masses et une fois de plus aller vers les masses afin que les idées soient appliquées. Et ainsi de suite, encore et encore dans une spirale toujours renouvelée, les idées devenant plus correctes, plus vitales et plus riches à chaque fois. Ceci, comme le dit Mao, est la théorie marxiste de la connaissance.

Afin de mettre en pratique le principe « des masses, vers les masses », Mao expliqua qu’il faut avoir une relation correcte entre le groupe dirigeant et les masses dans une organisation ou dans une lutte. Il est nécessaire que le parti rassemble les militants pour former un noyau de direction et relie étroitement ce noyau avec les masses. Si cela n’est pas fait, la direction du parti devient bureaucratique et coupée des masses. Il est également nécessaire que la direction ne se contente pas de simplement donner des appels généraux. Les appels généraux doivent être suivis par des directives particulières et concrètes pour qu’elles soient correctement mises en œuvre. « Recueillir les idées des masses et les concentrer, puis les retransmettre aux masses, afin qu’elles les appliquent fermement, et parvenir ainsi à élaborer de justes idées pour le travail de direction: telle est la méthode fondamentale de direction. » De cette façon, Mao explique la ligne de masse comme la méthode de base de la direction du Parti sur les masses.

Enfin, Mao dit que la ligne de masse ne doit pas seulement être vue dans le contexte de la direction du Parti sur les masses. En fait, Mao insista également sur l’application de la ligne de masse aux relations internes au Parti. Il la voyait également comme une ligne organisationnelle. Pour s’assurer que la ligne provient vraiment des masses et en particulier qu’elle remonte vraiment aux masses, il doit y avoir des liens étroits non seulement entre le Parti et les masses en dehors du Parti (entre la classe et le peuple), mais surtout entre les principaux corps du parti et les masses au sein du Parti (entre les cadres et la base). Ainsi, Mao montre qu’il est d’une importance cruciale que des liens étroits soient maintenus entre les niveaux supérieurs et inférieurs du Parti. Toute rupture dans les liens internes du Parti entraîne un écart dans la relation entre la direction du parti et les masses. Cela irait contre la mise en œuvre de la ligne de masse.