Comme nous l’avons vu plus tôt, Marx développa ses principes d’économie politique en continuation et en opposition à l’économie des bourgeois et des économistes Anglais. La plupart des écrits économiques de Marx dans la période allant de 1844 à 1859 se présentaient sous la forme d’une critique de l’économie politique bourgeoise. Il s’opposait aux affirmations des économistes politiques bourgeois selon lesquelles le capitalisme était un système permanent et universel. Il prouva également que le capitalisme ne pouvait exister que pour une période limitée et que son destin était d’être renversé et remplacé par un système social supérieur. Ses analyses économiques postérieures, particulièrement les volumes de son œuvre principale, Le Capital, se concentraient sur la découverte des lois économiques du capitalisme. L’analyse approfondie des relations de production sous le capitalisme, dans leur origine, leur développement et leur déclin forme donc le contenu principal de l’économie politique de Marx.

Les économistes bourgeois ont toujours basé leur analyse sous la forme d’une relation entre des choses, par exemple l’échange d’un bien contre un autre. Marx montra cependant que l’économie ne s’intéresse pas en réalité aux choses, mais aux relations entre les personnes, et en dernière analyse entre les classes.

Comme sous le capitalisme c’est la production de marchandises qui domine, Marx commença son analyse par celle de la marchandise. Il pointa du doigt que l’échange de marchandises n’était pas qu’un simple échange de biens, mais plutôt l’expression d’une relation entre des producteurs individuels dans la société reliés entre eux par le marché. Même si la marchandise a existé depuis des milliers d’années, c’est seulement avec le développement massif de la monnaie et la naissance du capitalisme que la marchandise atteint son pic en reliant la vie économique de millions de producteurs individuels dans un seul ensemble : le marché. Le capitalisme convertit même le travail du prolétaire en une marchandise qui est achetée et vendue librement sur le marché.

Le salarié vend sa force de travail au propriétaire des moyens de production, c’est-à-dire au capitaliste. Le travailleur passe une partie de son temps de travail à produire l’équivalent de son salaire, c’est-à-dire à produire ce qui est nécessaire pour couvrir le coût de son entretien et celui de sa famille. L’autre partie de sa journée de travail est passée à produire pour le maintien et la croissance du capitaliste. Le prolétaire n’est absolument pas payé pour cette production qui revient tout entière au capitaliste. Cette valeur additionnelle que tous les travailleurs produisent en plus de la valeur nécessaire pour payer leur salaire, Marx l’appela la plus-value. Elle est la source du profit et de la richesse de la classe capitaliste.

La découverte du concept de la plus-value exposa la nature de l’exploitation de la classe ouvrière. Elle mit également en évidence la source de l’antagonisme entre le prolétariat et la bourgeoisie. Cet antagonisme de classe est la principale manifestation de la contradiction fondamentale de la société capitaliste : la contradiction entre le caractère social de la production et le caractère privé de la propriété. Cette découverte de la plus-value fut décrite par Engels comme la deuxième découverte importante de Marx (après la conception matérialiste de l’histoire). Lénine disait que la théorie de la plus-value était la pierre angulaire de la théorie économique de Marx.

Marx analysa également en détail les crises économiques périodiques que le capitalisme connaissait régulièrement. Il expliqua les crises capitalistes comme une autre manifestation de la contradiction fondamentale de ce système. Il exposa ainsi l’erreur des économistes bourgeois qui prétendaient à ce moment-là que le capitalisme ne pouvait subir de crise puisque le fonctionnement du marché résoudrait tous ses problèmes. Ils affirmaient que tout ce qui était produit par le capitaliste serait automatiquement vendu sur le marché.

Cependant, Marx mit au jour que le fonctionnement du capitalisme lui-même conduit inévitablement à la crise. Il montra comment les capitalistes, dans leur désir ardent et désespérée de faire de plus en plus de profits, augmentent follement la production. En même temps, chaque capitaliste essaye de maintenir un taux de profit plus élevé en réduisant le taux de salaire de ses travailleurs, même si cela signifie les jeter dans la pauvreté. La classe ouvrière composant la plus grande section de la société, la pauvreté de cette classe signifie automatiquement la réduction de sa capacité à acheter les biens disponibles sur le marché. Ainsi, la classe capitaliste cherche d’une part à augmenter la production des biens à vendre sur le marché tandis que d’autre part elle réduit le pouvoir d’achat d’une grande proportion des acheteurs sur ce même marché. Cela conduit naturellement à une contradiction grave entre d’un côté l’expansion de la production et de l’autre côté la contraction du marché. Le résultat est une crise de surproduction où le marché est inondé de produits invendus. De nombreux capitalistes font alors faillite. Des centaines de milliers de travailleurs sont mis au chômage forcé et contraints à la famine alors que les magasins sont remplis de marchandises que plus personne n’a les moyens d’acheter.

Marx en conclut également que l’anarchie de ces crises du capitalisme ne pouvait être résolue qu’en résolvant la contradiction fondamentale du capitalisme entre le caractère social de la production et le caractère privé de la propriété. Cela ne pourrait se faire qu’en renversant le système capitaliste pour établir le socialisme et le communisme en donnant ainsi un caractère social à la propriété des moyens de production. Marx a montré que la force sociale qui serait à l’origine de cette révolution avait été créée par le capitalisme lui-même ; c’est le prolétariat. Seul le prolétariat n’a aucun intérêt à ce que le système d’exploitation et de propriété privée actuel se perpétue. Le prolétariat est la seule classe qui a l’intérêt et la capacité de construire le socialisme.

Marx analysa la façon dont chaque crise intensifiait les contradictions du système capitaliste. Il décrivit le processus de centralisation du capital entre les mains d’une poignée de capitalistes de plus en plus restreinte à chaque crise. Cela se produisait en même temps que la misère et le mécontentement explosaient dans la vaste masse des travailleurs. À mesure que les contradictions du capitalisme s’accentuent, les soulèvements révolutionnaires du prolétariat grandissent en force, ce qui entraîne finalement la révolution, la confiscation du capital des capitalistes et l’édification d’une société socialiste avec un caractère social de la propriété adapté au caractère social de la production.

De cette façon, Marx fait ressortir, à partir de l’unité de base de l’économie, la marchandise, la nature des lois économiques qui régissent le capitalisme. Il donne donc la base économique scientifique pour la révolution socialiste en même temps que la route vers le communisme.