1. La nouvelle politique économique
La nouvelle politique économique a apporté toute une série de modifications importantes dans la situation du prolétariat et, par conséquent aussi, des syndicats. L’immense majorité des moyens de production, dans le domaine de l’industrie et des transports, reste dans les mains de l’Etat prolétarien. Ce fait, de même que la nationalisation du sol, prouve que la nouvelle politique économique ne transforme pas l’essence de l’Etat ouvrier, mais plutôt les méthodes de construction du régime socialiste, en ce qu’elles permettent la concurrence économique entre le socialisme naissant et le capitalisme qui tente de réapparaître, pour satisfaire, par le moyen du marché, les besoins de plusieurs millions de paysans.
Cette transformation s’explique par le fait que, dans toute la politique du passage du capitalisme au socialisme, la Parti Communiste et le pouvoir des Soviets exécutent une retraite qui leur permettra ensuite, mieux armés, de passer de nouveau à l’offensive contre le capitalisme. En particulier, le commerce libre et le capital privé ont été placés sous le contrôle de l’Etat et sont en train de se développer, tandis que, d’autre part, les entreprises d’Etat socialisées sont administrées sur la base des principes commerciaux, ce qui, étant donnés la culture arriérée et l’épuisement du pays, ne peut manquer d’établir un antagonisme plus ou moins accusé entre l’administration de ces entreprises et les travailleurs qui y sont occupés.
2. Le capitalisme d’Etat dans l’Etat prolétarien et les syndicats
Si l’Etat prolétarien veut conserver tous ses traits essentiels, il ne pourra permettre le commerce libre et le développement du capitalisme privé que jusqu’à un certain degré, et seulement sous un contrôlé d’État sévère. Le succès de ce contrôle ne dépend pas seulement du pouvoir d’Etat, mais aussi du degré de maturité du prolétariat et des masses travailleuses en général. Mais même si ce contrôle atteint complètement son but, l’antagonisme entre les intérêts du capital et du travail n’en subsiste pas moins. C’est pourquoi l’une des tâches principales des syndicats doit être la défense des intérêts de classe du prolétariat, dans sa lutte contre le capital. Cette tache doit être mise désormais à la première place, et l’appareil des syndicats doit être transformé et complété, conformément à leurs nouveaux devoirs. Il faudra créer des commissions de conflits, des fonds de grèves et de secours mutuels, etc.
3. Les entreprises d’État et les syndicats
Le passage des entreprises d’Etat au principe commercial est inévitablement lié avec la nouvelle politique économique. Dans un proche avenir, ce trait deviendra le trait dominant, sinon le trait décisif. Ce fait, lié à l’impérieuse nécessité du relèvement de la production du travail et de la réalisation d’une administration des entreprises d’Etat, excluant tout déficit et capable au con traire de réaliser des gains, conduit inévitablement à un certain antagonisme entre les classes travailleuses et les directeurs des entreprises d’Etat dans les questions de conditions de travail. C’est ce qui oblige les syndicats à entreprendre la défense des intérêts des travailleurs employés dans les entreprises d’Etat, et à chercher à obtenir, dans la mesure du possible, l’amélioration de leur situation matérielle et la correction permanente des erreurs commises par les organes économiques, erreurs résultant du bureaucratisme de l’appareil d’Etat.
4. Différentes sortes de luttes de classes
Aussi longtemps qu’il y a des classes, il y aura aussi luttes de classes. Dans la période transitoire du capitalisme au socialisme, l’existence des classes est inévitable, et le programme du Parti Communiste russe déclare très justement que nous n’avons encore fait que les premiers pas dans la voie du capitalisme au socialisme. C’est pourquoi le Parti Communiste, le pouvoir des Soviets et les syndicats doivent reconnaître ouvertement le fait de la lutte économique et son caractère inévitable, aussi longtemps que l’électrification de l’industrie et de l’agriculture n’aura pas été réalisée, du moins dans ses grands traits, et que, par ce moyen, la source de la petite exploitation et de la domination de marché n’aura pas été tarie. D’un autre coté, il est clair que le but final des grèves en régime capitaliste est la destruction de l’appareil d’Etat et le renversement du pouvoir de l’Etat capitaliste. Dans un Etat prolétarien du type transitoire comme le nôtre, le but final de tous les mouvements de la classe ouvrière ne peut être que le renforcement de l’Etat prolétarien, sous la forme de la lutte contre le bureaucratisme et contre les tentatives du capitalisme privé de se soustraire au contrôle d’Etat. C’est pourquoi ni le Parti Communiste, ni le pouvoir des Soviets, ni les syndicats, ne doivent oublier ou cacher aux ouvriers ou aux masses travailleuses que l’emploi de la grève comme moyen de combat, dans l’Etat prolétarien, ne peut s’expliquer que par les excès bureaucratiques de l’Etat prolétarien, par toutes sortes de survivances du régime capitaliste dans ses institutions, d’une part, et par le manque de formation politique et intellectuelle des masses travailleuses, d’autre part.
C’est pourquoi, dans tous les conflits de groupes isolés de la classe ouvrière avec des institutions et organes de l’Etat prolétarien, le devoir des syndicats est de travailler à l’apaisement de ces conflits, le plus rapidement possible et avec le plus d’avantages possibles pour les ouvriers en question, dans la mesure où ces avantages ne peuvent nuire aux intérêts d’autres groupes ouvriers ou au développement de la vie économique de l’Etat prolétarien, car, seul, ce développement constitue la base solide du bien-être matériel et intellectuel de la classe ouvrière. La seule façon d’apaiser les conflits entre des groupes isolés de la classe ouvrière et les organes de l’Etat ouvrier est l’entremise des syndicats, s’interposant, par l’intermédiaire de leurs organes responsables, pour mettre en rapport les deux parties avec les organes économiques responsables, en formulant des exigences ou des propositions ou en faisant appel à de plus hautes instances d’Etat.
Dans ces cas, quand la conduite injuste des organes économiques a été la cause de l’état arriéré d’un certain groupe d’ouvriers et facilite le travail de provocation des éléments contre-révolutionnaires ; quand le manque de prévoyance de la part des organisations syndicales elles-mêmes a conduit à des conflits brutaux, sous forme de soulèvements dans les entreprises d’Etat, le devoir des syndicats est de liquider rapidement ces conflits par la suppression des injustices existantes et par la satisfaction des justes exigences des masses travailleuses, ou encore en exerçant sur elles une influence politique. La pierre de touche qui permettra de juger infailliblement de la justesse et de l’utilité du travail des syndicats, est la façon dont ils auront réussi à empêcher les conflits dans les entreprises d’Etat par une politique préventive s’inspirant des intérêts des travailleurs, et en écartant à temps tous motifs de conflits.
5. Retour au principe de la libre adhésion aux syndicats
L’enrôlement automatique de tous les salariés dans les syndicats a été la cause d’un certain bureaucratisme dans les syndicats et a, dans une certaine mesure, contribué à éloigner ceux-ci de leurs membres. C’est pourquoi il est nécessaire de revenir à l’adhésion volontaire, soit individuellement, soit collectivement, dans les syndicats. En aucun cas, on ne devra exiger des membres des syndicats des convictions politiques déterminées. En ce sens, de même qu’en ce qui concerne la religion, les syndicats devront être sans parti. On ne devra demander aux membres des syndicats que la compréhension des nécessités de la discipline et de l’union des forces pour la défense des intérêts des travailleurs et de l’aide au pouvoir des travailleurs, le pouvoir des Soviets. L’Etat prolétarien doit, de son côté, s’efforcer de réaliser l’union syndicale des ouvriers, tant en droit qu’en fait. Mais les syndicats ne pourront avoir aucun droit qui ne soit compensé par une obligation correspondante.
6. Les syndicats et la direction des entreprises
Après la conquête du pouvoir de l’Etat, le premier devoir du prolétariat est le relèvement de la production des marchandises et de la productivité de la société. Ce devoir, qui est clairement présenté dans le programme du Parti Communiste russe, est aujourd’hui devenu particulièrement important, grâce aux destructions, à la famine et à la désorganisation générale de la période d’après-guerre. C’est pourquoi le rétablissement rapide de la grande industrie est la condition indispensable sans laquelle la libération du joug capitaliste, la victoire du socialisme, sont impossibles. Mais ce rétablissement de l’industrie exige, dans les conditions actuelles de la Russie, une concentration absolue du pouvoir dans les mains des directions de fabrique. Celles-ci, d’après les règles générales, doivent être instituées sur le principe de la responsabilité individuelle et doivent pouvoir déterminer les salaires et la répartition des sommes d’argent, des rations, des vêtements de travail et, en général, de tout l’approvisionnement, sur la base et dans les limites des contrats collectifs conclus avec les syndicats. Il faut laisser à la direction la plus grande liberté d’initiative possible. Tous les succès réalisés dans le domaine du relèvement de la production et de la réalisation d’un travail excluant tout déficit et produisant un gain, devront être soigneusement examinés, et les meilleurs, les plus capables administrateurs devront être soigneusement choisis. Toute immixtion des syndicats dans la direction des entreprises doit, dans ces conditions, être considérée comme nuisible et indésirable.
Ce serait une grave erreur de présenter cette vérité incontestable comme une négation de la participation des syndicats dans l’organisation socialiste de l’industrie et dans la direction de l’industrie d’Etat. Au contraire, une telle participation est inévitable sous les formes exposées ci-dessous.
7. Le rôle et la participation des syndicats au fonctionnement des organes économiques de l’État prolétarien
Le prolétariat est la classe sur laquelle est construit l’Etat chargé de réaliser le passage du capitalisme au socialisme. Le prolétariat ne pourra remplir ce devoir dans un pays où la classe des petits paysans constitue l’immense majorité de la population, que s’il réussit, d’une manière extrêmement habile et prudente, à établir, degré par degré, une alliance avec cette majorité. Les syndicats doivent être les collaborateurs constants du pouvoir d’Etat qui, de son côté, dans tout son travail politique et économique est conduit par l’avant-garde consciente de la classe ouvrière, c’est-à-dire le Parti Communiste. Les syndicats ne doivent pas se contenter d’être, en général, des écoles de communisme, mais aussi des écoles pour la direction de l’industrie socialiste (et plus tard aussi de l’agronomie socialiste), pour toute la masse des ouvriers et, plus tard aussi, pour tous les travailleurs.
En partant de ces considérations de principe, les formes suivantes de participation des syndicats au fonctionnement des organes économiques de l’Etat prolétarien doivent être posées pour la prochaine période.
- Les syndicats prennent part à l’établissement de tous les organes syndicaux et institutions d’Etat qui sont en relations avec l’économie, et présentent leurs candidats, en citant leur activité passée et leur expérience acquise. La décision appartient en dernier lieu aux organismes économiques qui sont pleinement responsables pour le travail des organes en question. Les organes économiques tiendront compte des notices des candidats présentés par les syndicats.
- Une des tâches les plus importantes des syndicats est de former et de choisir dans la masse des ouvriers et des travailleurs les futurs administrateurs. Si l’on admet que nous comptons maintenant dans l’industriedes dizaines d’excellents administrateurs et des centaines d’autres plus ou moins bons, eh bien, il nous en faudra prochainement des centaines d’autres. Le recensement méthodique de tous les ouvriers et paysans capables de s’acquitter de cette tâche, et la vérification minutieuse, détaillée et pratique du succès avec lequel ils apprennent l’art d’administrer, doivent être effectués par les syndicats avec beaucoup plus de soin et de persévérance qu’à présent.
- Il est nécessaire de renforcer la participation des syndicats à la rédaction des plans économiques des programmes de production, et à la répartition du fonds de ravitaillement en nature, ainsi qu’au choix des entreprises demeurant soumises à l’administration de l’Etat, ou à affermer, ou à concéder. Sans assurer directement aucune fonction de contrôle sur la production dans les entreprises privées et données à bail, les syndicats prennent part à la réglementation de la production capitaliste privée exclusivement en participant aux organismes d’Etat compétents. En même temps qu’ils prennent part à l’ensemble du travail culturel et d’éducation et à la propagande en matière de production, les syndicats doivent entraîner de plus en plus largement et profondément la classe ouvrière et les masses laborieuses à l’œuvre tout entière de construction de l’économie nationale, en les initiant à l’ensemble de la vie économique, à à l’ensemble de l’activité industrielle, depuis le stockage des matières premières jusqu’à l’écoulement des produits, en leur donnant une idée de plus en plus concrète du plan d’Etat unique de l’économie socialiste, ainsi que de l’intérêt pratique des ouvriers et des paysans dans l’exécution de ce plan.
- La préparation des tarifs de salaire et des règles d’approvisionnement constitue l’un des devoirs principaux des syndicats pour la construction du régime socialiste. En particulier, les tribunaux de discipline doivent renforcer sans cesse la discipline du travail et les formes culturelles de lutte pour la discipline et l’accroissement de la productivité, sans jamais s’immiscer dans les fonctions des tribunaux populaires et des directions d’entreprises.
Cette liste des principales fonctions des syndicats dans la construction de l’économie socialiste doit être, bien entendu, élaborée en détail par les organismes compétents des syndicats et du pouvoir des Soviets. L’essentiel pour relever l’économie nationale et affermir le pouvoir des Soviets, c’est d’entreprendre – compte tenu de l’expérience acquise dans l’œuvre immense accomplie par les syndicats en matière d’organisation et de gestion de l’économie ; compte tenu également des fautes commises et qui ont causé bien du tort : ingérence directe, mal préparée, incompétente et irresponsable dans la sphère de l’administration – d’entreprendre consciemment et résolument un travail d’éducation opiniâtre, concret et de longue haleine, afin d’apprendre pratiquement aux ouvriers et à tous les travailleurs à gérer l’économie nationale du pays tout entier.
8. Le contact avec les masses est une condition indispensable de tout travail syndical
La condition indispensable de tout travail des syndicats est le contact avec les masses, c’est-à-dire avec l’immense majorité des ouvriers (et plus tard de la totalité des travailleurs). De bas en haut de tout l’appareil syndical, il faut placer toute une rangée de camarades responsables, ayant acquis une longue expérience. Ces camarades doivent s’obliger à rester dans le domaine de la vie ouvrière, à la connaître complètement et à décider infailliblement pour chaque question, à chaque moment, l’état d’esprit des masses, leurs aspirations réelles, leurs besoins et leur pensée, sans fausse idéalisation, le degré de leur conscience et l’influence de tel ou tel préjugé, de telle ou telle survivance de l’ancien temps. Ils devront réussir à conquérir la confiance illimitée des masses par leur conduite amicale et par leur attention constante aux besoins des masses. L’un des dangers les plus sérieux qui menacent, dans la période du passage au socialisme le Parti Communiste, numériquement faible, administrant, en qualité d’avant-garde de la classe ouvrière, un pays immensément grand, est le danger de la séparation d’avec les masses, le danger que l’avant-garde aille trop loin en avant, sans niveler le front, c’est-à-dire sans conserver une liaison solide avec toute l’armée du travail, avec l’immense majorité des ouvriers et des paysans. De même que la fabrique la mieux installée, possédant la force motrice la plus remarquable, et des machines de tout premier ordre, restera inactive si le mécanisme de transmission est endommagé, de même un arrêt de la construction du régime socialiste est inévitable si le mécanisme de transmission entre le parti et les masses, c’est-à-dire le syndicat, est mal construit ou fonctionne mal. Il ne suffit pas de reconnaître cette vérité ; elle doit être ancrée dans l’organisation même des syndicats et dans leur travail quotidien.
9. Les contradictions dans la situation du syndicat dans la
période de la dictature du prolétariat
De tout ce qui précède, suit une série de contradictions entre les diverses fonctions des syndicats. D’une part, leur principal moyen d’influence est la persuasion et l’éducation ; d’autre part, en tant que participant au pouvoir d’Etat, ils ne peuvent se soustraire à la participation à l’emploi de certaines méthodes de violence. Leur devoir principal est, d’un côté, la défense des intérêts des travailleurs, au sens immédiat du mot ; d’un autre côté, en tant que participant au pouvoir d’Etat et à la construction de toute l’économie nationale, ils ne peuvent renoncer à exercer une certaine pression. D’une part, ils doivent travailler selon les méthodes guerrières, car la dictature du prolétariat est la guerre des classes la plus âpre, la plus sauvage et la plus désespérée ; d’autre part, les méthodes de travail spécifiquement militaires sont dans les syndicats les moins faciles à employer. Ils doivent, d’un côté, s’adapter aux masses et à leur niveau actuel, d’un autre côté, ils ne doivent en aucun cas céder aux préjugés des masses, mais les élever à un degré toujours plus haut. Ces contradictions ne sont pas fortuites et ne peuvent pas être écartées d’ici de longues années, car tant que des survivances du capitalisme et de la petite production existeront, des contradictions subsisteront entre ces survivances et les germes du socialisme dans toute la structure sociale.
Les conséquences pratiques qui en découlent sont de deux sortes. Premièrement, il ne suffit pas aux syndicats de comprendre leurs devoirs et de bien les réaliser ; un tact particulier dans les rapports avec les masses et une compréhension particulière dans la façon d’aborder les masses dans tous les cas particuliers, sont nécessaires pour les élever chaque fois, avec le minimum de frottement, à un degré plus haut dans le domaine culturel, économique et politique. Deuxièmement, il est clair que les contradictions, dont nous avons parlé plus haut, provoqueront inévitablement des conflits, des dissensions, des frottements, etc. Dans ce cas, un organe plus élevé est absolument nécessaire, qui possédera l’autorité suffisante pour résoudre immédiatement tous les antagonismes. Cet organe plus élevé est le Parti Communiste et l’union internationale de tous les Partis Communistes, l’Internationale Communiste.
10. Les syndicats et les spécialistes
Les thèses fondamentales sur cette question sont exposées dans le programme du Parti Communiste russe, mais elles sont condamnées à rester lettre morte si l’on n’insiste pas sur les faits qui démontrent le degré de leur réalisation effective. Ces faits tant été constitués dernièrement par l’assassinat d’ingénieurs par les ouvriers des mines socialisées, non seulement dans l’Oural, mais même dans le bassin du Donetz, puis le suicide de l’ingénieur en chef de la direction des eaux de Moscou, W. W. Oldenborger, à cause des conditions de travail impossibles créées par la conduite intolérable du noyau communiste et des organes du pouvoir des soviets, conduite qui prouve leur incapacité. Le Comité Central Exécutif panrusse a été obligé de remettre l’instruction de cette affaire à la justice.
La responsabilité de tels faits incombe bien plus au Parti Communiste et au pouvoir des soviets, en général, qu’aux syndicats. Mais il ne s’agit pas ici d’établir le degré de la responsabilité qui incombe à chacun, mais plutôt des conséquences politiques qui doivent en être tirées. Si aucune institution dirigeante, pas plus le Parti Communiste que le pouvoir des soviets, ni les syndicats, n’ont réussi à protéger comme la prunelle de leurs yeux les spécialistes consciencieux, capables, et aimant leur travail, même s’ils ne sont pas communistes, il ne peut être question d’aucun résultat sérieux dans le domaine de la construction du régime socialiste. Nous devons réussir à accorder aux spécialistes qui constituent une certaine couche sociale, et cela, jusqu’à ce qu’on ait atteint le plus haut développement de la société communiste, une situation meilleure dans le régime socialiste que dans le régime capitaliste, tant en droit qu’en fait, et tant dans la collaboration amicale avec les ouvriers et les paysans, que dans le sens de la satisfaction de leur propre travail, dans la conscience de leur utilité sociale, indépendamment des intérêts égoïstes de la classe capitaliste. On ne peut considérer comme bien administrée une branche, dans laquelle on n’aura pas travaillé pratiquement et, selon un plan donné, à assurer complètement la situation des spécialistes, à donner la préférence aux meilleurs d’entre eux et à protéger leurs intérêts.
C’est le devoir des syndicats de faire ce travail (ou de participer systématiquement à ce travail dans toutes les branches), non pas du point de vue de chaque branche isolée, mais de celui des intérêts du travail et de l’économie nationale.
Dans la question des spécialistes, les syndicats devront exercer tous les jours leur influence sur les masses travailleuses et instituer de justes relations mutuelles entre celle-ci et les spécialistes. Seul, un pareil travail pourra permettre d’obtenir de sérieux résultait pratiques.
11. Les syndicats et l’influence petite-bourgeoise sur la classe ouvrière
Les syndicats n’auront de valeur réelle que s’ils réunissent dans leur sein de larges couches d’ouvriers sans-parti. De là, suit inévitablement, particulièrement dans un pays ayant une forte majorité de paysans, la possibilité de l’apparition dans les syndicats de toutes les influences politiques, qui sont un reflet des survivances du capitalisme et de la petite production. Ce sont les influences petites-bourgeoises : d’un côté, les influences menchevistes, socialrévolutionnaires, les genres russes des partis de la deuxième Internationale et de l’Internationale deux et demie, et d’autre part, les influences anarchistes. Ce n’est que dans ces directions que subsistent encore un certain nombre de gens qui défendent le capitalisme, non d’après des intérêts égoïstes de classe, mais qui continuent à croire à l’existence au-dessus des classes de la « Démocratie », de l’ « Egalité » et de la « Liberté ».
Les survivances (rarement les renaissances), observées chez nous de pareilles idées petites-bourgeoises dans les syndicats, s’expliquent précisément par les causes économiques exposées plus haut, et non pas par le rôle joué par certains groupes et certaines personnes isolés. Le Parti Communiste, les institutions soviétistes et tous les communistes des syndicats devront, par conséquent, accorder une plus grande attention à la lutte contre les influences, les tendances et les déviations petites-bourgeoises dans les syndicats, d’autant plus que la nouvelle politique économique conduit inévitablement à un certain renforcement du capitalisme. Ce renforcement doit trouver son contre-poids dans une lutte plus active contre l’influence petite-bourgeoise dans les syndicats.