Le 8 juillet 1939


Camarades,

Chacun comprend que l’attribution d’ordres et de médailles aux instituteurs des écoles publiques a une grande importance politique. Le gouvernement, le peuple soviétique tout entier élèvent ainsi l’instituteur public. Tout naturellement, la question se pose : pourquoi faut-il que l’instituteur public soit élevé ? La classe ouvrière et la paysannerie (autrement dit le peuple tout entier) qui ont pris le pouvoir entre leurs mains, veulent conserver ce pouvoir, veulent bâtir une vie nouvelle, c’est-à-dire le communisme, veulent que tous les peuples du monde prennent à cet égard exemple sur l’Union soviétique. Pour consolider définitivement le pouvoir et bâtir le communisme, il faut que le peuple ait sa propre intelligentsia ; il faut que le peuple soit instruit ; il faut qu’il n’y ait plus d’opposition ni aucune différence entre le travail intellectuel et le travail manuel. Mais quand le travail intellectuel ne se distinguera-t-il plus du travail physique ? Quand tout le monde, quand le peuple tout entier sera instruit, quand nous aurons le communisme, et seulement alors.

Faire que tout le monde soit instruit dans l’immense et multinationale Union soviétique est une des plus grandes tâches. Mais il ne suffit pas que notre peuple soit instruit. Nous voulons encore qu’il reçoive une éducation soviétique, communiste. Nous voulons que notre école lui donne une éducation communiste. Qu’entend-on par là ? C’est précisément à ce sujet que je veux vous dire quelques mots.

Vous savez parfaitement que ni dans les écoles primaires, ni même dans les écoles moyennes on ne se livre ù une étude approfondie du marxisme. Mais quand nous parlons d’éducation communiste, nous avons en vue non point l’étude de la doctrine marxiste, mais bien l’éducation. La différence est énorme entre instruction et éducation ! Je pourrais moi-même enseigner les rudiments de l’arithmétique aux élèves de première année d’études (bruyante approbation, applaudissements), mais l’éducation est chose autrement compliquée. Ce n’est pas pour rien qu’on disait autrefois : la famille éduque l’homme, le milieu éduque l’homme, l’école met son empreinte sur l’homme. L’éducation est une des tâches les plus difficiles ; je parle de la vraie éducation, de l’éducation telle qu’elle doit être.

Qu’entend-on par éduquer ? Eduquer c’est Influer sur le caractère et la personnalité morale de l’élève, influer dans un sens déterminé, pendant les dix années qu’il passe à l’école ; autrement dit, en faire un homme. Cela signifie se comporter avec les élèves en sorte que lors du règlement d’un nombre infini de malentendus et de heurts, inévitables dans la vie scolaire, ils soient persuadés que l’instituteur a eu raison d’agir comme il l’a fait. Cela met une empreinte profonde sur l’âme de l’enfant. Si l’instituteur s’est montré partial pour un élève faible et lui a donné une note qu’il ne méritait pas, je suis convaincu que cet acte de partialité ne manquera pas de laisser des traces sur la psychologie des élèves. C’est que l’instituteur se trouve en quelque sorte dans un labyrinthe de miroirs, que des centaines d’yeux d’enfants le regardent, des yeux perçants, impressionnables, qui savent noter de façon étonnante et ses qualités et ses défauts. Ce qui éduque les élèves, c’est avant tout la conduite du maître en classe, son comportement envers eux. Et cela fait que l’éducation est chose très difficile.

Mais n’allez pas croire que je méconnaisse la nécessité de bien instruire les enfants. Pour vous il va de soi qu’elle s’impose. Quant au travail éducatif, il échappe souvent à l’attention des instituteurs, et cependant son rôle est énorme pour la formation du caractère et de la physionomie morale des enfants. Beaucoup d’instituteurs oublient qu’ils doivent être des pédagogues, et qu’un pédagogue est un ingénieur des âmes. Il va de soi qu’il faut posséder les dons nécessaires pour pouvoir agir sur les élèves dans le sens voulu. Mais ce n’est pas encore tout. Pour pouvoir exercer consciemment une influence déterminée, il faut que l’instituteur lui-même soit un homme très cultivé, et, disons-le franchement, un homme très instruit. En effet. L’Etat, le peuple confient aux instituteurs des enfants, c’est-à-dire des hommes à l’âge où il est le plus facile d’agir sur eux ; ils leur confient l’éducation, le développement, la formation de la jeune génération, — autrement dit : leur espoir et leur avenir. Et ce faisant ils leur témoignent une confiance énorme qui les charge d’une grande responsabilité. Il est clair que les instituteurs doivent être d’une part hautement instruits, et d’autre part d’une honnêteté cristalline. Car l’honnêteté, je dirai l’incorruptibilité du caractère, au sens élevé du mot, fait plus qu’en imposer aux enfants : elle se communique à eux, elle laisse une empreinte profonde sur toute leur vie ultérieure.

Ainsi donc, camarades, nous voulons que nos enfants soient éduqués dans un esprit communiste, que les principes communistes leur soient inculqués. Vous me demanderez peut-être : et qu’est-ce que les principes communistes ? Les principes communistes, pris sous leurs formes les plus simples, sont les principes de l’homme avancé, honnête, hautement instruit ; c’est l’amour de la Patrie socialiste, l’amitié, la camaraderie, l’humanité, la loyauté, l’amour du travail socialiste, et beaucoup d’autres grandes qualités accessibles à chacun. Eduquer, former ces traits distinctifs, ces hautes qualités est un élément essentiel de l’éducation communiste.

On ne saurait inculquer ces qualités à l’enfant au moyen de beaux sermons ou par une propagande abstraite. Elles ne pourront pénétrer profondément dans sa conscience que par une action imperceptible s’exerçant jour après jour durant toute la période scolaire sur la base de relations de camaraderie. Ce qui ne sera évidemment possible que si les instituteurs eux-mêmes possèdent, au moins dans ses grandes lignes, le marxisme-léninisme. Nous répétons souvent : il est nécessaire de posséder le marxisme-léninisme. Je dois vous dire — je le sais par ma propre expérience — que l’étude du marxisme-léninisme donne énormément à l’homme pour son travail de tous les jours, l’aide à régler de façon juste les nombreuses questions qui se posent au cours de ce travail. Nos instituteurs ont à remplir une tâche extrêmement difficile qui est d’assurer l’éducation communiste, de former chez les hommes soviétiques une conscience communiste. Et ils ne pourront s’acquitter de cette tâche avec succès que s’ils sont non seulement hautement cultivés, mais encore instruits dans le marxisme.

À cet égard, vous vous trouvez dans la même situation que moi et que les camarades assis à cette table. J’estime, et vous serez tous d’accord avec moi, que le développement de notre peuple se poursuit avec une rapidité extrême, que sa conscience, son instruction, sa culture croissent extraordinairement vite, et cela sur tous les points de notre pays. Aujourd’hui, il n’existe plus chez nous de « trou perdu » ; aujourd’hui chaque point de notre pays se considère comme une parcelle de Moscou. (Bruyantes approbations, applaudissements prolongés.)

Que signifient ces mots : le peuple progresse ? Avant tout, cela signifie qu’il y a chaque année parmi nous près de 2 millions d’hommes instruits en plus. Et si nous, les vieux, qui n’avons pas passé par l’école d’aujourd’hui, nous nous entêtons et n’essayons pas de nous mettre à leur niveau, nous serons peu à peu évincés. C’est pourquoi les instituteurs qui ont été à l’école d’autrefois ne doivent pas perdre de temps, eux non plus. Il faut acquérir des connaissances, c’est certain. Et bien se dire que l’instituteur n’est pas seulement un maître, qu’il est aussi un élève. (Applaudissements.)

L’instituteur donne à ses élèves, donne au peuple son énergie, son sang, tout ce qu’il a de plus précieux. Mais, camarades, si aujourd’hui, demain, après-demain, vous donnez tout ce que vous avez sans renouveler constamment vos connaissances, vos forces, votre énergie, il ne vous restera plus rien. (Marques d’approbation.) D’une part, l’instituteur donne, et d’autre part, comme l’éponge, il s’imprègne en prenant au peuple, à la vie, à la science tout ce qu’ils ont de meilleur pour le donner aux enfants. (Cris : « Très bien ! » Applaudissements.) Et si l’instituteur soviétique veut être un instituteur véritable, un instituteur d’avant-garde, et aujourd’hui et demain, il doit toujours marcher avec la fraction la plus avancée du peuple. Alors, malgré tout ce qu’il donnera à ses élèves, s’il absorbe lui-même, s’il prend au peuple ses traits et ses qualités les meilleurs, il y aura toujours en lui surabondance de sève nourricière pour les enfants. Des instituteurs venus de tous les points de l’Union soviétique sont aujourd’hui rassemblés dans cette salle. Je suis très heureux de voir ici et des Ukrainiens, et des Géorgiens, et des instituteurs des républiques autonomes. Je voudrais que vous preniez de Moscou tout ce qu’on peut en prendre ; que le fait d’avoir été décorés, la remise des décorations, l’accueil qui vous a été réservé à Moscou, oui, que tout cela se grave à jamais dans votre souvenir, s’y grave en traits vigoureux. (Vifs applaudissements.) Je voudrais que tout cela vous fasse sentir que des attaches étroites, qu’un lien indestructible vous unissent au centre, à Moscou, bref, au gouvernement soviétique, au Parti, au camarade Staline, — et que ce sentiment de contact avec le gouvernement, avec le Parti, avec le camarade Staline, vous le gardiez toujours dans votre travail quotidien. (Vibrante ovation de toute la salle au Parti, au gouvernement, au camarade Staline.)

Des tâches de l’intelligentsia soviétique, pp. 46-49, Editions Gospolitizdat, 1939