Résolution rédigée par le camarade Mao Zedong, à l’intention de la Neuvième Conférence de l’Organisation du Parti pour le 4e corps de l’Armée rouge. Les forces armées populaire de Chine ne se sont édifiées qu’au milieu de difficultés prolongées. L’Armée rouge de Chine (devenue pendant la Guerre de Résistance contre le Japon la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée et, maintenant, l’Armée populaire de Libération) est née lors de l’insurrection de Nantchang, le 1er août 1927. Elle existait donc depuis plus de deux ans en décembre 1929. En luttant, au cours de cette période, contre diverses conceptions erronées, les organisations du Parti dans l’Armée rouge ont appris beaucoup de choses et acquis une riche expérience. La résolution fait le bilan de cette expérience. Elle plaça l’Armée rouge sur une base entièrement marxiste-léniniste, et la débarrassa de toute influence des armés de type ancien. Elle fut appliquée non seulement dans le 4e corps, mais aussi successivement, dans les autres unités de l’Armée rouge, ce qui permit la transformation de l’Armée rouge chinoise tout entière en une véritable armée populaire. Depuis plus de vingt ans, le travail du Parti et le travail politique dans les unités des forces armées populaires de Chine ont connu un large développement et il s’y est fait bien des innovations. Actuellement, ce double travail a pris un aspect bien différent, mais sa ligne fondamentale reste celle qui fut déterminée par cette résolution.


Il existe au sein de l’organisation du Parti communiste dans le 4e corps de l’Armée rouge toutes sortes de conceptions non prolétariennes qui gênent énormément l’application de la ligne juste du Parti. Si on ne les élimine pas définitivement, il sera impossible au 4e corps de remplir les tâches qui lui sont assignées dans la grande lutte révolutionnaire de la Chine. Ces conceptions erronées ont évidemment pour origine la composition de l’organisation du Parti dans le 4e corps, celle-ci étant formée en grande majorité de paysans et d’autres éléments issus de la petite bourgeoisie ; mais le fait que les organes dirigeants du Parti n’ont pas livré un combat résolu, unanime, à ces conceptions erronées, ni éduqué suffisamment les membres du Parti dans l’esprit de la ligne juste est aussi une raison importante de l’existence et du développement de telles conceptions. Procédant dans l’esprit de la lettre de septembre du Comité central, la Conférence de l’Organisation du Parti signale ici les manifestations des diverses conceptions non prolétariennes au sein de l’organisation du Parti dans le 4e corps, ainsi que l’origine de ces conceptions et les moyens de les corriger, et appelle tous les camarades à lutter pour les éliminer totalement.

Le point de vue purement militaire

Le point de vue purement militaire est largement répandu chez un certain nombre de camarades de l’Armée rouge. Ses manifestations sont les suivantes :

  1. On oppose le travail politique et le travail militaire et on se refuse à reconnaître que celui-ci n’est que l’un des moyens pour accomplir les tâches politiques. Certains affirment même que « si les choses vont bien sur le plan militaire, elles vont forcément bien sur le plan politique et si elles vont mal sur le plan militaire, elles ne peuvent aller bien sur le plan politique » ; c’est s’avancer encore plus loin et soutenir que le travail militaire commande le travail politique.
  2. On s’imagine que les tâches de l’Armée rouge sont semblables à celles de l’armée blanche, qu’elles consistent seulement à faire la guerre. On ne comprend pas que l’Armée rouge chinoise est une organisation armée chargée d’exécuter les tâches politiques de la révolution. Dans la période actuelle en particulier, l’Armée rouge ne se limite pas du tout aux activités militaires ; outre les combats qu’elle doit livrer pour anéantir les forces armées de l’adversaire, elle assume encore nombre d’autres tâches importantes : la propagande parmi les masses, l’organisation des masses, l’armement des masses, l’aide donnée aux masses pour créer le pouvoir révolutionnaire, et même l’établissement des organisations du Parti communiste. L’Armée rouge ne fait pas la guerre pour la guerre, elle la fait dans le but de mener la propagande parmi les masses, d’organiser les masses, de les armer, de les aider à créer le pouvoir révolutionnaire ; sans ces objectifs, la guerre n’aurait plus de sens, et l’Armée rouge plus de raison d’être.
  3. On aboutit ainsi, dans le domaine de l’organisation, à subordonner les organes assurant le travail politique dans l’Armée rouge à ceux qui assurent le travail militaire, et on avance le mot d’ordre : « Etendre l’autorité de l’état-major aux activités extérieures de l’armée ». Si ces idées continuent à se développer, on courra le risque de se couper des masses, de laisser l’armée contrôler les organes du pouvoir, de s’écarter de la direction prolétarienne, et, par voie de conséquence, de glisser vers le militarisme comme l’a fait l’armée du Kuomintang.
  4. En même temps, dans le domaine de la propagande, on ne reconnaît pas l’importance des équipes de propagande, et, en matière d’organisation des masses, on néglige de créer des comités de soldats dans l’armée et d’organiser les masses ouvrières et paysannes locales ; il en résulte que le travail de propagande et d’organisation se trouve dans un état d’abandon.
  5. Présomption après les victoires, abattement après les défaites.
  6. Le particularisme : En toute circonstance, on ne se soucie que du 4e corps ; on ne comprend pas que l’une des tâches importantes de l’Armée rouge est d’armer les masses populaires locales. C’est un esprit de coterie à une plus grande échelle.
  7. Un petit nombre de camarades, bornant étroitement leur horizon au 4e corps, croient qu’il n’existe pas d’autres forces révolutionnaires que ce dernier. D’où la tendance, extrêmement marquée, à conserver ses forces et à s’abstenir de toute action. C’est là une survivance de l’opportunisme.
  8. Le refus de tenir compte des conditions subjectives et objectives, le prurit révolutionnaire, le refus de se livrer à un travail laborieux, imperceptible, minutieux parmi les masses, la tendance à ne rêver qu’à de grands exploits, la propension à s’abandonner aux illusions. Tout cela, ce sont des survivances du putschisme [1].

Le point de vue purement militaire a pour origine :

  1. Un niveau politique bas. D’où l’incompréhension du rôle de la direction politique dans l’armée, l’ignorance de la différence radicale entre l’Armée rouge et l’armée blanche.
  2. La mentalité des troupes mercenaires. Par suite de l’incorporation à l’Armée rouge, après les batailles, d’un grand nombre de soldats faits prisonniers qui ont apporté cette mentalité profondément enracinée en eux, il s’est créé dans les unités inférieures un terrain favorable à l’apparition du point de vue purement militaire.
  3. Une foi exagérée dans la force militaire et le manque de confiance dans celle des masses populaires _ troisième raison qui découle des deux premières.
  4. Le fait que le Parti n’a pas apporté une attention soutenue au travail militaire ni engagé une discussion active de ce travail est également à l’origine du point de vue purement militaire d’un certain nombre de nos camarades.

Les moyens d’éliminer ces défauts sont les suivants :

  1. Elever le niveau politique des membres du Parti par le travail d’éducation, détruire les fondements théoriques de ce point de vue purement militaire, mettre en évidence la différence fondamentale qui existe entre l’Armée rouge et l’armée blanche. En même temps, éliminer les survivances de l’opportunisme et du putschisme et en finir avec l’esprit particulariste dans le 4e corps.
  2. Renforcer l’instruction politique des officiers et hommes de troupe, en particulier l’éducation des anciens prisonniers. D’autre part, faire tout son possible pour que les organes locaux du pouvoir désignent, pour les enrôler dans l’Armée rouge, des ouvriers et des paysans ayant l’expérience de la lutte, de façon à affaiblir, voire à extirper complètement, sur le plan de l’organisation, les racines mêmes de ce point de vue purement militaire.
  3. Appeler les organisations locales du Parti à formuler des critiques à l’adresse des organisations du Parti dans l’Armée rouge, et les organes du pouvoir populaire à en formuler à l’endroit de l’Armée rouge, afin d’exercer une influence salutaire sur les organisations du Parti dans l’Armée rouge et sur les officiers et soldats de celle-ci.
  4. Le Parti doit porter une attention soutenue au travail militaire et l’examiner avec soin. Tout travail, avant d’être exécuté par les masses, devra être discuté par l’organisation du Parti et faire l’objet d’une décision prise par elle.
  5. Elaborer un ensemble de règles et de règlements relatifs à l’Armée rouge, qui définiront avec précision ses tâches, les rapports entre ses organes militaires et ses organes politiques, les rapports entre l’Armée rouge et les masses populaires, la compétence des comités de soldats et leurs rapports avec les organes militaires et politiques.

L’ultra-démocratisme

Depuis que le 4e corps de l’Armée rouge a reçu les directives du Comité central, les manifestations d’ultra-démocratisme ont beaucoup diminué dans ses rangs. C’est ainsi qu’il est devenu plus aisé, par exemple, d’exécuter les décisions du Parti ; on n’entend plus de ces réclamations erronées comme d’exiger la réalisation, dans l’Armée rouge, de ce qu’on appelle « le centralisme démocratique allant de bas en haut » ou « l’examen des questions aux échelons inférieurs avant la décision des échelons supérieurs ». Mais, dans le fait, cet affaiblissement de l’ultra-démocratisme n’est que momentané et apparent, il ne signifie point qu’un pareil état d’esprit ait complètement disparu. Autrement dit, l’ultra-démocratisme reste encore profondément enraciné dans la conscience de nombreux camarades. La preuve en est, par exemple, le peu d’empressement qu’on montre à exécuter les décisions du Parti.

Les moyens de faire disparaître cet état d’esprit sont les suivants ;

  1. Au point de vue théorique, il faut détruire les racines de l’ultra-démocratisme. Tout d’abord, il faut montrer que l’ultra-démocratisme menace de saper les organisations du Parti jusqu’à les détruire complètement, qu’il menace d’affaiblir et même de miner tout à fait la capacité combative du Parti, ce qui le mettra hors d’état d’accomplir sa tâche dans les luttes et conduira, par conséquent, la révolution à la défaite. Il convient de montrer ensuite que l’ultra démocratisme tire son origine de l’indiscipline petite-bourgeoise. En pénétrant dans le Parti, celle-ci se traduit, sur le plan politique et sur le plan de l’organisation, par des conceptions ultra-démocratiques, absolument incompatibles avec les tâches de combat du prolétariat.
  2. Au point de vue de l’organisation, il faut appliquer avec rigueur le principe de la vie démocratique sous une direction centralisée. Les moyens d’y parvenir sont les suivants :
    1. Les organes dirigeants du Parti doivent définir une ligne directrice juste, ils doivent savoir trouver la solution des problèmes qui surgissent, et devenir ainsi de véritables centres de direction.
    2. Les organismes supérieurs doivent bien connaître la situation dans les organismes inférieurs et la vie des masses, afin d’avoir une base objective pour une direction juste.
    3. Les organismes du Parti aux différents échelons ne doivent pas prendre de décisions à la légère. Dès qu’une décision est prise, elle doit être appliquée avec fermeté.
    4. Toutes les décisions importantes des organismes supérieurs du Parti doivent être portées rapidement à la connaissance des organismes inférieurs et de la masse des membres du Parti. Les moyens d’y parvenir consistent à convoquer des réunions de militants, ou des assemblées générales des cellules, ou même des assemblées des membres du Parti dans les colonnes [2] (lorsque les circonstances le permettent), et à désigner des camarades pour y faire des rapports.
    5. Les organismes inférieurs du Parti et la masse des membres du Parti doivent discuter en détail les directives des organismes supérieurs, en saisir tout le sens et déterminer les méthodes à suivre pour les exécuter.

Les conceptions contraires aux principes d’organisation du Parti

Voici comment les conceptions contraires aux principes d’organisation du Parti se manifestent au sein de l’organisation du Parti au 4e corps :

A. Le refus de la minorité de se soumettre à la majorité. Par exemple, lorsqu’une proposition de la minorité est repoussée, ses tenants ne veulent pas appliquer honnêtement la décision de l’organisation du Parti.

Les moyens d’y remédier sont :

  1. Faire en sorte que tous les participants à une réunion aient entièrement la possibilité d’exprimer leurs opinions. Elucider ce qu’il y a de juste et de faux dans les questions controversées, ne pas rechercher les accommodements ni apporter une solution uniquement pour la forme. Si la question n’est pas réglée, il convient, à condition de ne pas gêner le travail, de l’examiner une seconde fois pour arriver à une conclusion précise.
  2. L’une des bases de la discipline du Parti, c’est la soumission de la minorité à la majorité. La minorité, qui voit son point de vue repoussé, doit se rallier à la décision prise par la majorité. En cas de nécessité, la question peut être posée de nouveau à la réunion suivante, mais aucune action allant à l’encontre de la décision n’est permise.

B. La critique qui n’observe pas les principes d’organisation.

  1. La critique à l’intérieur du Parti est une arme qui sert à renforcer l’organisation du Parti et à élever sa capacité combative. Cependant, dans les organisations du Parti au sein de l’Armée rouge, la critique prend dans certains cas un autre caractère : elle se transforme en attaques personnelles. Cela ne porte pas seulement préjudice aux individus, mais également aux organisations du Parti. C’est une manifestation de l’individualisme petit-bourgeois. Le moyen d’y remédier consiste à faire comprendre aux membres du Parti que la critique doit avoir pour but de renforcer la capacité combative du Parti afin de remporter la victoire dans la lutte de classe, et qu’elle ne doit pas devenir un instrument pour lancer des attaques personnelles.
  2. Beaucoup de membres du Parti exercent leur critique non pas à l’intérieur du Parti, mais à l’extérieur. Cela s’explique par le fait que les membres du Parti en général ne comprennent pas encore l’importance de l’organisation du Parti (ses réunions, etc.) et s’imaginent que la critique en dehors de l’organisation ne diffère en rien de celle qui se pratique à l’intérieur. Le moyen d’y remédier est d’éduquer les membres du Parti pour qu’ils se rendent compte de l’importance de l’organisation du Parti et comprennent que c’est aux réunions du Parti qu’ils doivent, le cas échéant, critiquer le comité ou des camarades en particulier.

L’égalitarisme absolu

A un certain moment, l’égalitarisme absolu a pris des proportions sérieuses dans l’Armée rouge. En voici quelques exemples. Lors du paiement des allocations aux soldats blessés, des camarades exigent qu’aucune différence ne soit faite entre blessé grave et blessé léger et que la même somme soit remise à chacun. Si un officier va à cheval, certains ne se rendent pas compte que cela lui est nécessaire pour son service et ils n’y voient qu’une marque d’inégalité. Lorsqu’il s’agit de répartir le ravitaillement, ils exigent des parts rigoureusement égales et n’acceptent pas que certaines unités puissent, dans des conditions particulières, recevoir un peu plus que les autres. Pour le transport du riz, ils veulent que chacun porte la même charge, les enfants comme les adultes, les faibles comme les forts. Dans les cantonnements, ils demandent d’accorder à chacun le même espace ; et si le commandement dispose d’un peu plus de place, voilà les insultes qui pleuvent. Dans les corvées, ils exigent que chacun ait exactement la même part de travail, et personne ne veut avoir un peu plus à faire. Il arrive même que lorsqu’il n’y a qu’un brancard pour deux blessés, on préfère ne transporter personne sur le brancard plutôt qu’un seul d’entre eux. Tout cela prouve que les tendances à l’égalitarisme absolu sont encore très fortes parmi les officiers et les soldats de l’Armée rouge.

L’égalitarisme absolu a la même origine que l’ultra-démocratisme en politique ; il est le produit de l’économie artisanale et de la petite exploitation paysanne ; la seule différence réside dans le fait que l’un se manifeste dans le domaine politique et l’autre dans la vie matérielle.

Moyens pour éliminer ces tendances : Il faut faire ressortir que non seulement l’égalitarisme absolu n’est qu’une illusion de petit propriétaire paysan tant que le capitalisme n’a pas été supprimé, mais qu’il n’existera pas même sous le socialisme, où la répartition des biens matériels se fera selon le principe : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail », et conformément aux nécessités du travail. Les biens matériels doivent être répartis, dans l’ensemble, d’une manière égale entre les hommes de l’Armée rouge, la solde, par exemple, doit être la même pour les officiers et les soldats, et cela parce que la situation actuelle de notre lutte l’exige. Néanmoins, l’égalitarisme absolu, qui écarte toute autre considération, doit être combattu, car il ne répond pas aux besoins de la lutte ; au contraire, il met obstacle à la lutte.

Le subjectivisme

Certains membres du Parti sont fortement atteints de subjectivisme ; cela est très préjudiciable lorsqu’il s’agit d’analyser la situation politique et de diriger le travail. Une analyse subjectiviste de la situation politique, de même qu’une direction subjectiviste du travail, aboutit nécessairement, soit à l’opportunisme, soit au putschisme. Quant aux critiques subjectivistes, aux propos inconsidérés et non fondés, aux suspicions réciproques, tout cela conduit souvent, dans le Parti, à des querelles sans principes et sape les organisations du Parti.

Pour ce qui est de la critique à l’intérieur du Parti, un autre point doit être mentionné, à savoir que certains camarades, dans leur critique, ne font pas attention à ce qui est important, mais s’attachent seulement à ce qui est insignifiant. Ils ne comprennent pas que la critique a pour tâche principale de mettre en évidence les erreurs politiques et les fautes d’organisation. En ce qui concerne les défauts personnels, s’ils ne sont pas liés à des erreurs politiques ou à des fautes d’organisation, il ne convient pas de les critiquer trop sévèrement, de peur de laisser les camarades désemparés. En outre, si pareille critique se développe, l’attention de l’organisation du Parti se portera uniquement sur de petites choses, et les camarades deviendront des gens trop pointilleux qui se perdent dans des vétilles et oublient les tâches politiques du Parti ; c’est là un très grand danger.

Moyens d’éliminer ces défauts : L’essentiel, c’est d’éduquer les membres du Parti de telle sorte que leurs conceptions et toute la vie intérieure du Parti prennent une orientation politique, scientifique.

Pour cela, il faut : 1) apprendre aux membres du Parti à analyser la situation politique et à apprécier les forces des classes selon la méthode marxiste-léniniste, au lieu de faire des analyses et des appréciations subjectivistes ; 2) attirer l’attention des membres du Parti sur la nécessité de faire des enquêtes et des recherches relatives aux conditions économiques et sociales et de se fonder là-dessus pour déterminer la tactique de la lutte et les méthodes de travail ; faire comprendre aux camarades que sans une enquête sur la situation réelle, ils tomberont dans l’abîme des vaines imaginations et du putschisme ; 3) dans la critique au sein du Parti, mettre en garde les camarades contre les jugements subjectivistes, arbitraires, et contre toute banalisation de la critique ; faire en sorte que les interventions soient fondées et que les critiques aient un sens politique.

L’individualisme

Les tendances individualistes dans les organisations du Parti au sein de l’Armée rouge se manifestent de la manière suivante :

  1. L’esprit vindicatif. Un membre du Parti, qui a été critiqué dans le Parti par un de ses camarades, soldat de l’Armée, cherche à se venger de lui en dehors du Parti ; des coups, des insultes, voilà les moyens de tirer vengeance. On cherche également à se venger au sein du Parti : « Tu m’as critiqué à la dernière réunion ; à la prochaine, je tâcherai de te chercher noise pour me venger. » Un tel esprit vindicatif provient exclusivement de considérations personnelles. Il méconnaît les intérêts de classe et ceux de tout le Parti. Il n’est pas dirigé contre les classes ennemies, mais contre des camarades qui sont dans nos propres rangs. Il ronge l’organisation du Parti comme un corrosif et affaiblit sa capacité de combat.
  2. L’esprit de coterie. On ne se soucie que des intérêts de son petit groupe sans tenir compte de l’intérêt général. En apparence, on n’est pas mû par l’intérêt personnel, en réalité on obéit à un individualisme des plus étroits. L’esprit de coterie exerce une puissante action dissolvante et désagrégeante. L’esprit de coterie a toujours sévi dans l’Armée rouge ; grâce aux critiques, la situation s’est quelque peu améliorée, mais il y a encore des survivances de cet esprit, et il faut faire de nouveaux efforts pour en venir à bout.
  3. La mentalité mercenaire. Certains camarades ne comprennent pas que le Parti et l’Armée rouge, dont ils sont membres, sont des instruments nécessaires à l’accomplissement des tâches de la révolution ; ils ne comprennent pas qu’ils font partie des forces principales de cette révolution et ils s’imaginent qu’ils ne sont responsables que devant leurs supérieurs et non devant la révolution. Cette attitude passive, mercenaire, à l’égard de la révolution est également une manifestation d’individualisme. L’existence d’une telle mentalité explique pourquoi nous n’avons pas tellement de militants actifs qui donnent, sans réserve, toutes leurs forces à la révolution. Si nous n’éliminons pas cette mentalité, le nombre de nos militants actifs ne saurait augmenter, et les lourdes tâches de la révolution reposeront toujours sur les épaules d’un petit nombre de camarades, au grand préjudice de notre lutte.
  4. Le goût des plaisirs. Dans l’Armée rouge, nombreux sont ceux chez qui l’individualisme se manifeste par le goût des plaisirs. Ils voudraient toujours que nos troupes se dirigent vers les grandes villes, non pour le travail, mais pour les plaisirs. Surtout, ils n’aiment pas travailler dans les régions rouges, où les conditions de vie sont pénibles.
  5. La passivité et le genre tire-au-flanc. Certains, quand les choses ne vont pas comme ils veulent, deviennent passifs et se refusent à travailler. La raison essentielle en est l’insuffisance du travail éducatif ; mais il arrive parfois qu’une telle attitude soit due au fait que les dirigeants n’agissent pas de façon appropriée en ce qui concerne la solution des diverses questions, la répartition du travail ou l’application des mesures disciplinaires.
  6. Le désir de quitter l’armée. Le nombre de ceux qui demandent qu’on les retire de l’Armée rouge et qu’on leur assigne une tâche civile va grandissant. Cela n’est pas toujours dû à des raisons de caractère personnel, mais s’explique également par le fait : 1) que les conditions matérielles d’existence de l’Armée rouge sont trop mauvaises ; 2) qu’on se sent fatigué après de longues années de combat ; 3) que des dirigeants n’agissent pas de façon appropriée en ce qui concerne la solution des diverses questions, la répartition des tâches ou l’application des mesures disciplinaires. Moyens de corriger ces défauts : Tout d’abord, renforcer le travail d’éducation, afin de triompher de l’individualisme sur le plan idéologique. Ensuite, procéder de façon juste en ce qui concerne la solution de toutes les questions, la répartition du travail et l’application des mesures disciplinaires. De plus, il faut trouver les moyens d’améliorer les conditions matérielles d’existence de l’Armée rouge et utiliser toutes les possibilités qui se présentent pour permettre aux troupes de se reposer et de se refaire. Dans notre travail d’éducation, il faut faire ressortir qu’en ce qui concerne ses origines sociales, l’individualisme est le reflet de l’idéologie petite-bourgeoise et bourgeoise dans le Parti.

La mentalité de “hors-la-loi”

Par suite de la présence, dans les rangs de l’Armée rouge, d’un grand nombre d’éléments déclassés, et de l’existence d’une multitude d’éléments semblables dans le pays, en particulier dans les provinces méridionales, une mentalité de « hors-la-loi » s’est fait jour, sur le plan politique, dans l’Armée rouge. Cette mentalité se manifeste : 1) par la tendance à étendre notre influence politique, non pas grâce à un travail laborieux pour créer des bases d’appui et établir le pouvoir populaire, mais uniquement par des actions mobiles de partisans ; 2) par la tendance à grossir l’Armée rouge non pas en multipliant les détachements locaux de la Garde rouge et les unités locales pour les transformer finalement en forces principales, mais « en recrutant n’importe qui, jusqu’à des déserteurs et des mutins » ; 3) dans la répugnance à mener de rudes combats aux côtés des masses et dans la tendance à vouloir arriver le plus vite possible dans les grandes villes pour pouvoir y ripailler à plaisir. Toutes ces manifestations de la mentalité de « hors-la-loi » gênent considérablement l’Armée rouge dans l’accomplissement des tâches qui lui incombent ; c’est pourquoi l’extirpation de cette mentalité constitue un objectif important de la lutte idéologique à l’intérieur des organisations du Parti dans l’Armée rouge. Il faut comprendre qu’une telle mentalité, semblable à celle qui existait du temps de Houang Tchao [3] et de Li Tchouang [4], est inadmissible dans les conditions actuelles.

Moyens d’éliminer cette mentalité :

  1. Renforcer le travail d’éducation et critiquer les conceptions erronées pour faire disparaître la mentalité de « hors-la-loi ».
  2. Renforcer, dans les rangs de l’Armée rouge et parmi les soldats faits prisonniers et récemment incorporés, le travail d’éducation, pour en finir avec l’esprit de vagabondage.
  3. Faire entrer dans l’Armée rouge des éléments ouvriers et paysans actifs, ayant l’expérience de la lutte, afin de modifier, de cette manière, la composition de l’Armée rouge.
  4. Créer de nouvelles unités de l’Armée rouge avec les masses ouvrières et paysannes engagées dans la lutte.

Les survivances du putschisme

On a déjà combattu le putschisme dans les organisations du Parti au sein de l’Armée rouge, mais d’une manière insuffisante. C’est pourquoi il se trouve encore dans l’Armée rouge des survivances des tendances putschistes. Elles se manifestent : 1) par des actions aveugles, entreprises sans tenir compte des conditions subjectives et objectives ; 2) dans l’application incomplète et irrésolue de notre politique dans les villes ; 3) dans le relâchement de la discipline militaire, en particulier après des défaites ; 4) dans les incendies de maisons, encore pratiqués par certaines unités ; 5) dans l’exécution des déserteurs et l’application de châtiments corporels, pratiques à caractère putschiste. Il faut rechercher les origines sociales du putschisme dans l’imbrication de l’idéologie du Lumpenprolétariat et de l’idéologie petite-bourgeoise.

Moyens d’éliminer ces survivances :

  1. Liquider le putschisme du point de vue idéologique.
  2. En finir avec le comportement putschiste au moyen de règles, règlements et mesures politiques.

[1] Après la défaite de la révolution en 1927, on vit se manifester pendant un court laps de temps, au sein du Parti communiste, des tendances gauchistes, putschistes. Les tenants du putschisme estimaient que la révolution chinoise avait le caractère d’une « révolution permanente », qu’elle se trouvait dans un état d’ »essor ininterrompu ». C’est pourquoi ils s’opposaient à une retraite organisée et cherchaient, selon une méthode erronée, à coups de simples décrets administratifs, en s’appuyant uniquement sur un petit nombre de membres du Parti et sur une fraction réduite de la population, à susciter dans l’ensemble du pays toute une série de soulèvements locaux qui n’avaient pas la moindre chance de succès. A la fin de 1927, ces manifestations putschistes connurent une large extension ; elles diminuèrent progressivement au début de 1928, mais certains membres du Parti continuaient à y être enclins. Le putschisme, c’est l’aventurisme.

[2] Dans le système d’organisation des partisans, une colonne correspondait à une division dans l’armée régulière, mais avec des effectifs beaucoup plus variables et en général beaucoup plus faibles.

[3] Houang Tchao, né à Tsaotcheou (aujourd’hui district de Hotseh, province du Chantong), dirigea une insurrection paysanne à la fin de la dynastie des Tang. En l’an 875, c’est-à-dire dans la deuxième année du règne de l’empereur Hsitsong, Houang Tchao, qui avait rassemblé autour de lui un grand nombre de paysans, fit écho au soulèvement dirigé par Wang Sien-tche. Quand celui-ci fut tué, ce qui subsistait de ses détachements fut réuni par Houang Tchao à ses propres forces, et il se proclama « Grand capitaine montant à l’assaut du ciel ». A la tête des forces insurrectionnelles, Houang Tchao mena deux campagnes au-delà des frontières du Chantong. Au cours de la première, il passa d’abord dans le Honan, puis dans l’Anhouei et le Houpei et retourna ensuite dans le Chantong. Dans la seconde campagne, il partit encore du Chantong pour aller dans le Honan, puis dans le Kiangsi. Traversant ensuite l’est du Tchékiang, il entra dans le Foukien et le Kouangtong, puis dans le Kouangsi, le Hounan et enfin le Houpei ; de là, il se dirigea de nouveau vers l’est et pénétra dans l’Anhouei et le Tchékiang. Puis, franchissant le Houaiho, il pénétra dans le Honan, s’empara de Louoyang, prit d’assaut la passe de Tongkouan et, finalement, s’empara de la ville de Tchangan. Houang Tchao créa alors l’empire de Tsi et se proclama empereur. Mais à la suite de querelles intestines (son général Tchou Wen se rendit à l’empereur des Tang) et de l’offensive des troupes de Li Keh-yong, chef de la tribu des Chatos, Houang Tchao perdit Tchangan, se replia vers le Honan et enfin dans le Chantong. Finalement vaincu, Houang Tchao se suicida. La guerre qu’il avait entreprise avait duré dix ans, c’est l’une des guerres paysannes les plus célèbres dans l’histoire de Chine. Dans les chroniques officielles, dont les auteurs appartenaient aux classes dominantes, on dit de Houang Tchao qu’à cette époque « tous les gens souffrant du fardeau des impôts se ruaient vers lui ». Néanmoins, Houang Tchao se limita à des opérations mobiles et ne créa aucune base d’appui tant soit peu solide. C’est pourquoi il fut qualifié de « hors-la-loi ».

[4] Li Tchouang ou Li Tse-tcheng, originaire du district de Mitche, province du Chensi, dirigea une insurrection paysanne à la fin de la dynastie des Ming. En 1628, première année du règne de l’empereur Setsong, toute une vague d’insurrections paysannes balaya le nord du Chensi. Li Tse-tcheng se joignit au détachement insurrectionnel conduit par Kao Ying-siang qui, parti du Chensi, avait pénétré dans le Honan, puis dans l’Anhouei, pour revenir finalement dans le Chensi. En 1636, Kao Ying-siang mourut et Li Tse-tcheng fut proclamé roi sous le nom de Tchouangwang. Le principal mot d’ordre de Li Tsetcheng à l’égard des masses populaires était : « Soutenir Tchouangwang et ne pas payer d’impôts ». Li Tse-tcheng fit régner, parmi ses troupes, une sévère discipline en lançant le mot d’ordre suivant : « Celui qui tue un homme, je le traiterai comme s’il avait tué mon père. Celui qui viole une femme, je le traiterai comme s’il avait violé ma mère. » C’est pourquoi il eut beaucoup de partisans ; ses détachements devinrent la force principale des insurrections paysannes de cette époque. Mais, comme Houang Tchao, il ne s’assura, lui non plus, aucune base tant soit peu solide, et se déplaça continuellement. Après avoir été proclamé roi, il conduisit ses troupes dans le Setchouan, puis regagna le Chensi du Sud, traversa le Houpei et entra de nouveau dans le Honan. Il fit une incursion dans le Houpei pour occuper Siangyang et, traversant encore une fois le Honan, revint dans le Chensi où il s’empara de Sian. En 1644, il traversa le Chansi et s’empara de Pékin, mais fut bientôt vaincu par les forces conjuguées du général des Ming, Wou San-kouei, et des Tsing, que ce dernier avait appelés à la rescousse.