Réflexions sur la crise — La lutte n'attend pas, renforçons notre travail de classe !

I. Capitalisme et épidémies

1. Force est de constater que les épidémies à grande échelle vont se multipliant, particulièrement depuis les dernières décennies. Les idéologues bourgeois considèrent qu’il s’agit là d’un phénomène purement fortuit, absolument indépendant des rapports économiques à la base de notre société, sans lien avec le mode de production. Cette étroitesse de vues reflète l’étroitesse des intérêts de classe bourgeois qui, aussitôt évacués, cèdent la place à la remise en cause profonde du capitalisme.

2. Selon les statistiques, environ trois nouvelles maladies infectieuses sur quatre et la plupart des nouvelles pandémies virales sont des zoonoses, c’est-à-dire des maladies se transmettant entre les Hommes et les animaux. Leur importance ne cesse de croître [1]. La COVID-19 en est fort probablement une [2]. L’histoire récente a par exemple eu à connaître des célèbres VIH, Ébola, Zika, SRAS-CoV-1, MERS-CoV…

Schématiquement, pour devenir une épidémie à grande échelle, un virus doit acquérir la capacité à infecter une cellule humaine et à se répliquer efficacement pour se propager largement. Or le capitalisme crée les conditions favorisant la transmission de virus à l’Homme et les risques d’épidémies. En effet, l’action directe et indirecte des forces du capital entraîne le démantèlement frénétique des barrières entre les Hommes et les animaux, transportant des agents pathogènes. De nombreux facteurs, interconnectés, peuvent être évoqués : saccage des habitats naturels (ayant notamment pour effet de pousser les animaux sauvages à se rapprocher des zones occupées par l’Homme) ; chamboulement et destruction des équilibres écosystémiques et de la biodiversité (limitant naturellement le transfert de maladies des animaux aux humains ; la richesse de la biodiversité contribue entre autres à « diluer » les agents pathogènes dans la nature) ; invasion des zones rurales et sauvages pour étendre l’urbanisation chaotique et les activités économiques telles que l’agriculture et l’élevage industriels ; manipulation, commerce et trafic débridés de la faune et de la flore ; production animale aussi intensive qu’anarchique (augmentant le risque de développement de maladies et accélérant leur propagation ; on pense typiquement au fameux H5N1) ; changement climatique rendant l’environnement plus propice à la prolifération d’agents pathogènes (notamment en étendant les zones où prospèrent les vecteurs de maladies comme les moustiques) ; dénuement de populations rurales vulnérables repoussées aux confins des forêts (ainsi plus exposées aux agents pathogènes issus de la nature sauvage) et forcées de consommer de la viande prélevée sur des animaux sauvages malades ; etc.

Tout ceci fait écho à ces paroles pénétrantes de Friedrich Engels sur le rapport entre l’Homme et la nature :

« […] rien dans la nature n’arrive isolément. Chaque phénomène réagit sur l’autre et inversement, et c’est la plupart du temps parce qu’ils oublient ce mouvement et cette action réciproque universels que nos savants sont empêchés d’y voir clair dans les choses les plus simples.

Bref, l’animal utilise seulement la nature extérieure et provoque en elle des modifications par sa seule présence ; par les changements qu’il y apporte, l’homme l’amène à servir à ses fins, il la domine. […] Cependant, ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature. Elle se venge sur nous de chacune d’elles. Chaque victoire a certes en premier lieu les conséquences que nous avons escomptées, mais en second et en troisième lieu, elle a des effets tout différents, imprévus, qui ne détruisent que trop souvent ces premières conséquences. […] les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu’un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein, et que toute notre domination sur elle réside dans l’avantage que nous avons sur l’ensemble des autres créatures, de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement. [3]

Le capital, dans sa course aux profits maximums et à l’accumulation, domine et manipule les éléments de la nature sans se soucier le moins du monde des répercussions négatives pouvant en découler (la multiplication des épidémies en étant une). La ville exploite sans limite la campagne et toutes ses ressources (humaines et naturelles) ; l’opposition entre l’une et l’autre ne cesse de s’approfondir. Ainsi, dans le cadre des rapports de production capitalistes, l’activité humaine heurte chaotiquement la nature.

Le capitalisme anarchique consume jusqu’aux fondements mêmes de son existence : la force de travail et la nature. En se développant, il est devenu ce système impérialiste à l’agonie vampirisant et ébranlant universellement chaque recoin de la nature. Aussi longtemps que cet ordre perdurera, l’opposition ville-campagne s’accentuera ; le saccage et le bouleversement de la biosphère s’aggraveront ; le mode de production entrera toujours plus
en collision avec la biosphère et les intérêts de la société tout entière. Bref, le capitalisme ne peut que poursuivre sa folle course contre lui-même, engloutissant tout sur son passage comme si demain n’existait pas.

3. Poursuivons. Le virus qui saute la barrière des espèces et s’adapte à l’organisme humain trouve dans nos sociétés un terrain idéal pour se propager à grande échelle. On relèvera notamment le commerce international, connaissant une intensification illimitée et anarchique, fait circuler personnes et marchandises aux quatre coins du globe à une vitesse
démesurée ; le fait que des millions d’êtres sont entassés de façon chaotique au sein de grandes villes et y massèrent dans la précarité et la misère de masse, avec tout ce que cela implique sur le plan de la santé publique ; etc. Engels s’intéressa à ce dernier point dans son ouvrage La situation de la classe ouvrière en Angleterre ; il mit le doigt sur la corrélation entre, d’une part, la situation matérielle des classes laborieuses (pauvreté, insalubrité des logements, mauvaise alimentation…), d’autre part, la propagation et la force des épidémies [4].

Relisons par ailleurs ces mots très actuels tirés de l’Anti-Dühring :

La suppression de l’opposition de la ville et de la campagne n’est donc pas seulement possible. Elle est devenue une nécessité directe de la production industrielle elle-même, comme elle est également devenue une nécessité de la production agricole et, par-dessus le marché, de l’hygiène publique. Ce n’est que par la fusion de la ville et de la campagne que l’on peut éliminer l’intoxication actuelle de l’air, de l’eau et du sol ; elle seule peut amener les masses qui aujourd’hui languissent dans les villes au point où leur fumier servira à produire des plantes, au lieu de produire des maladies. [5]

Pour résumer, le développement du capitalisme universel – exploitant et épuisant sans merci les campagnes, pillant et détruisant la biosphère, agglomérant les masses dans des centres urbains sursaturés, intensifiant le commerce à outrance, etc. – va de pair avec la multiplication et l’amplification d’épidémies à grande échelle [6]. La pandémie actuelle sonne comme un nouvel avertissement ; derrière le hasard, la contingence, se cache la nécessité. Le capitalisme « moissonne la paille qu’il a semée ».

II. Lock-down et crise économique

4.1. L’an dernier, l’impérialisme a décrété des mesures mondiales de lock-down complet ayant mis à l’arrêt des pans entiers de la production capitaliste et des échanges (on peut utiliser le terme « lock-out » pour désigner en particulier le verrouillage de l’appareil économique). Cela a donné lieu à une situation historique très originale.

Comment expliquer la mise en place par la bourgeoisie de pareilles décisions politiques qui sont allées jusqu’à paralyser l’économie ? C’est la première question à se poser.

Au premier abord, certains pourraient penser que la réponse n’est à trouver nulle part ailleurs que dans la nécessité de contenir la pandémie et de sauvegarder la santé publique. Cela serait pourtant incorrect. Il est vrai que la pandémie impliquait une certaine réaction de la bourgeoisie, notamment pour une question de légitimité politique à conserver et du fait que les classes possédantes allaient aussi être touchées. Mais cette considération n’élucide pas notre question.

4.2. Le lock-out mondial a déclenché un effondrement économique dont la violence est considérée comme inégalée depuis la crise de 1929. La puissance du choc s’est concentrée sur un court laps de temps ; son onde s’est propagée comme une traînée de poudre à la plupart des secteurs et des pays. Peut-on soutenir, avec les économistes bourgeois, que sans « l’accident extérieur » de la pandémie, de la crise sanitaire, l’économie capitaliste coulerait des jours tranquilles ? Voilà une seconde question à se poser et nous y répondons par la négative.

5. Tout d’abord, il s’impose de saisir le contexte économique dans lequel l’ « empire du milieu » a initié le grand lock-down (on le sait, c’est la Chine qui la première a instauré un lock-down complet, avec fermeture de son industrie et de son commerce).

En 2019, les signes d’une surproduction générale se faisaient jour. Les industries de plusieurs grandes économies ralentissaient de façon marquée ou commençaient à se contracter. Les industries chinoise et américaine ralentissaient notablement ; la production industrielle nippone reculait ; la première industrie européenne – allemande – accusait une baisse inédite depuis 2009; etc. Dès 2018, le puissant secteur automobile, pour ne prendre que lui, connaissait sa première contraction depuis la crise de 2008. Le commerce mondial se ramassait. Le marché était surchargé. Ainsi, du fait de la surproduction, l’ensemble de la machine économique commençait à s’enrayer ; les contradictions économiques du système saturaient, réclamant un aplanissement momentané et forcé. L’économie capitaliste ne coulait donc pas des jours heureux, loin de là.

Pour expliquer les mesures de lock-down complet lancées par la Chine, il faut les replacer dans ce contexte où la compression de la production, la destruction des forces productives excédentaires s’inscrivaient à l’ordre du jour ; autrement dit, elles doivent notamment s’expliquer par la surproduction générale qui se déclarait. À défaut, le spectacle original d’une puissance impérialiste comme la Chine décrétant une interruption aussi hardie du procès de production et des échanges ne peut qu’apparaître tout à fait saugrenu.

6. Ce n’est pas tout. Le lock-down général mis en branle par la Chine doit en outre être remis dans le contexte de lutte acharnée entre les grands monopoles et de guerre économique inter-impérialistes pour la suprématie mondiale (spécialement entre les impérialismes chinois et américain). L’ « empire du milieu » n’allait pas s’arrêter seul. À l’heure de l’interdépendance accrue des capitaux au niveau international et de la surproduction générale, la Chine – atelier et locomotive industrielle du monde –, en bloquant aussi brusquement son économie, devait entraîner par effet domino une profonde paralysie du reste du monde capitaliste. Le lock-out de la Chine, conjugué à la surproduction générale, devait violemment précipiter l’ensemble des « vieilles » puissances impérialistes concurrentes dans un blocage économique aigu, dans un lock-out et un maelström aux dimensions mondiales… De quoi encore affaiblir l’empire américain en déclin, les puissances et monopoles concurrents, et pousser la lutte sur un autre terrain ; rebattre et redistribuer les cartes, permettre de repartager les marchés, les débouchés… (en ce sens, le lock-out chinois doit notamment être vu comme un acte dans la guerre économique en cours). Ceci contribue à expliquer le grand lock-down décrété par l’impérialisme chinois.

La lutte inter-impérialistes aggravée sur le terrain de la crise a été féroce. Les grandes puissances se sont lancées à corps perdu dans le combat; elles se sont arraché les débouchés, les zones d’influence, les sphères d’investissement et de domination… Dans cette optique, elles ont largement dégainé les instruments de soumission tels que les emprunts internationaux à l’encontre des pays pauvres entraînés à leur suite dans le « grand confinement ». Cela s’est illustré de façon très claire en Afrique, zone de premier choix dans la rivalité entre la Chine et les États-Unis. Ces derniers ont fait pleuvoir des cascades d’ « aides internationales ». « Aucun pays ne rivalisera avec les États-Unis » sur le plan du « soutien » apporté à l’Afrique, a clamé à son de trompe le secrétaire d’État Mike Pompeo. Mais c’était sans compter l’appétit et la puissance de l’hydre chinois dont les tentacules se déroulent aux dépens des Yankees. In fine, c’est bien l’impérialisme chinois qui sort gagnant de la crise.

7. Il importe de bien intégrer que le lock-down mondial et l’effondrement économique ont eu pour effet de purger en surface et de façon expéditive les forces productives (par la compression de la production, la faillite des capitalistes les plus faibles, la destruction d’entreprises entières, de marchandises, de machines et d’outillages, de la force de travail [7]…) ; de ravaler, d’absorber pour un bref délai, superficiellement, la surproduction ; ce faisant, d’ « assainir » dans une certaine mesure le capital et de lui redonner un peu d’oxygène.

8. On notera en outre que la débâcle économique que le monde a traversée s’insère dans le cadre plus large de la putréfaction poussée du capitalisme monopoliste. Celui-ci, pris dans les filets de ses propres contradictions, pourrit sur place ; sa marche est de plus en lourde, entravée par sa décomposition se caractérisant entre autres par l’aggravation du problème des marchés et débouchés se resserrant, ainsi que par la sous-utilisation chronique des capacités productives (se manifestant notamment par un chômage de masse chronique). Chaque crise emboîte le pas de la précédente. Ainsi, en 2020, l’économie capitaliste ne s’était pas encore véritablement relevée de la crise de 2008.

9. Que retenir de ce qui vient d’être dit ? D’abord, contrairement aux apparences, le grand lock-down ne déborde pas le cadre des intérêts et de la logique capitalistes ; il ne s’explique pas en-dehors de ce cadre. Ensuite, l’effondrement économique est au fond le fruit, non du coronavirus (comme les bourgeois veulent le faire croire), mais bien des contradictions profondes du système. N’en déplaise aux économistes bourgeois, l’analyse nous a bien conduit en dernière instance aux contradictions internes du capitalisme, aux contradictions structurelles préexistantes.

III. La faillite des États et de la bourgeoisie

10. Les effets conjugués du confinement barbare et de la crise économique ont provoqué – et ne pouvaient pas ne pas provoquer – des maux sans nombre pour les masses laborieuses, particulièrement leurs couches inférieures les plus précarisées. Le chômage a explosé, jetant sur le pavé des dizaines de millions d’individus (selon les chiffres officiels de l’OIT, 2020 a connu près de 114 millions de pertes d’emplois sèches). Le capital en a profité pour renforcer l’exploitation des ouvriers en poste. Les travailleurs ont vu leurs revenus baisser considérablement en raison du chômage (sec ou technique) ; leur pouvoir d’achat a chuté ; leurs conditions de logement se sont lourdement aggravées. Les privations de tous types, la misère et la précarité ont empiré. La dégradation matérielle, l’isolement et l’épuisement moral ont entraîné une immense vague de détresse sociale ; les suicides, les problèmes psychologiques, les implosions familiales, la criminalité, etc., ont augmenté. Ainsi, le confinement a pesé de tout son poids, avec la plus grande violence, sur la population pauvre et laborieuse. Sans oublier que de larges couches de la petite-bourgeoisie ont également été réduites à la ruine et au désespoir. Ce phénomène a été extrêmement marqué dans les pays sous le joug l’impérialisme et où le secteur informel occupe une place déterminante ; la paupérisation des larges masses y a atteint des proportions immenses.

« Pour leur bien », les ouvriers à la merci des patrons et les travailleurs au chômage technique et enfermés chez eux étaient sommés de patienter en silence ; de remettre leur sort entre les mains des gouvernements parés de leurs « experts » infaillibles.

« La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages » [8] : le sens de ce passage du manifeste du parti communiste ressort mieux que jamais.

Auparavant jugés en voie de disparition par la bourgeoisie, les prolétaires, pourtant traités comme de la vulgaire chair à canon, se sont vus héroïsés et couverts d’épithètes plus élogieuses les unes que les autres. En revanche, pas question de songer à tenir un piquet de grève ou manifester : malheur, ce serait égoïstement irresponsable et insensé ! L’heure était au « front tous ensemble », toutes classes confondues dans la « guerre contre le coronavirus ». Le salut reposait sur la « responsabilité des citoyens » ; chacun était renvoyé à sa bulle de confinement, à sa responsabilité individuelle tandis que les responsabilités de l’État et de la bourgeoisie étaient dissimulées. Indiquons à cet égard que d’année en année, au fil des politiques successives, les États bourgeois n’eurent de cesse de sacrifier les ressources humaines et matérielles des systèmes de santé publique sur l’autel de la concurrence, de la rentabilité et des profits ; tant et si bien que ces systèmes devenaient de moins en moins capables d’assumer les missions auxquelles ils étaient destinés. C’est ce qui s’est observé face au coronavirus, même dans les États les plus développés.

Remarquons que les mesures de lock-out général mettant l’économie à l’arrêt (voy. ce qui a été dit supra à ce sujet) n’ont eu qu’un temps au bout duquel les impératifs capitalistes ont exigé leur retrait. L’entassement par centaines dans les usines est alors subitement devenu « covid-safe » tandis qu’en dehors, pas question de sortir de sa bulle sociale de confinement. De la sorte, le capital tenait à sa disposition la force de travail nécessaire, avec en réserve un contingent de salariés confinés et en chômage technique.

11. Suspendant des libertés élémentaires, la bourgeoisie a en fait appliqué temporairement aux populations des mécanismes de régime autoritaire. Cela fait désormais office de précédent qui pourra être réinvoqué, notamment en cas d’ « urgence » future. N’oublions pas ici que le capital financier cherche par nature à dominer au détriment des libertés ; « la réaction politique sur toute la ligne, écrivait Lénine, est le propre de l’impérialisme ». Le matraquage politico-médiatique et policier a battu son plein. Un climat de peur paralysante et de culpabilité individuelle a été instauré et entretenu : peur irrationnelle d’attraper ou de transmettre le virus, peur de la répression policière, peur d’être dénoncé par ses voisins, etc. De quoi tenir les masses dans l’acceptation et la résignation. La résistance collective se trouvait étouffée. Remarquons que l’« état d’urgence sanitaire » a notamment constitué un laboratoire politique et social.

Du reste, l’« état d’urgence » et la crise ont été utilisés par les bourgeois pour appliquer à l’encontre des travailleurs la fameuse « stratégie du choc ». À l’instar de ce qui se produisit après les attentats du 11 septembre, une panoplie de mesures liberticides s’intègrent avec un « effet cliquet » dans les droits positifs, marquant un recul politique par rapport à l’avant-crise. En outre, l’assaut contre les avantages et conquêtes sociales des travailleurs s’accentue.

Par ailleurs, les États sont tout du long venus en aide aux grands capitalistes en leur octroyant des subventions encore plus colossales que lors de la crise de 2008 et, dans un certain nombre de pays, en « nationalisant les salaires » (pour reprendre les termes d’Emmanuel Macron). Le poids de ces aides, puisant dans les caisses publiques, vient encore alourdir les épaules des masses travailleuses. De telles interventions au profit des grandes entreprises et monopoles visent à couvrir une partie des dégâts causés par la crise, à limiter la purge économique pourtant nécessaire à laquelle les États ont participé. Ce faisant, ces derniers participent à la fuite en avant du capital et révèlent leur impuissance totale face aux lois du capitalisme dont ils sont les esclaves.

12. Les récents événements ont mis au grand jour le rôle et le fonctionnement de l’État. La politique « d’urgence » a été à la fois chaotique [9] et de classe, marquée du sceau des intérêts bourgeois que servent les États (cela ressort des lignes qui précèdent, en ce compris ce qui a été indiqué au point II de ce texte); subordonnée aux besoins du moment de la bourgeoisie et résolument hostile aux intérêts de la population pauvre et laborieuse. Tout au long de la crise, les États se sont montrés inféodés au grand capital ; dominés par l’économie capitaliste. La putréfaction politique – reflétant celle de toute la bourgeoisie et de la base économique du système – s’est en outre exacerbée ; la crise a en effet favorisé la corruption, les trafics et mystifications à tous les étages.

13. Il convient ici de toucher un mot sur les idées dites « complotistes » ou «conspirationnistes ». La crise actuelle a donné lieu à de nombreuses théories du complot qui se sont largement répandues parmi les masses, y compris du prolétariat. Cela n’a rien d’étonnant. Les crises permettent la diffusion de ces idées par les bousculements sociaux qu’elles entrainent. Un certain nombre d’ouvriers dépourvus de repères politiques se réfugient dans ces idées pour trouver des réponses à ce qu’ils vivent et subissent au quotidien. Dans la présente crise, ces idées se nourrissent notamment des tricheries et mystifications incessantes de l’État. L’adhésion à la rhétorique du complot peut constituer, en un certain sens bien restreint, les prémices d’une politisation par défaut. Insistons d’ailleurs sur le fait que, pour l’heure, un parti révolutionnaire capable de réaliser un éveil de masse ou d’organiser tant soit peu la classe ouvrière manque cruellement. Au lieu d’adopter une attitude méprisante de porte close à l’égard des « complotistes », redoublons d’efforts pour faire peser notre travail de propagande, pour offrir aux masses de solides perspectives politiques. Le sujet mérite de plus amples développements mais nous nous limiterons ici à ces quelques points.

14. Dans le cours des événements déclenchés par la pandémie, le grand capital, son État et tout le système économique se sont révélés incapables de répondre aux besoins élémentaires de la société et se sont rendus responsables de nouveaux crimes de masse. La bourgeoisie s’est par ailleurs montrée dépassée par les forces productives sociales. Toutes les contradictions insolubles du système se sont manifestées et aggravées brutalement, en particulier celles entre le prolétariat et la bourgeoisie, avec pour conséquence une accentuation des tensions sociales. Cette crise multidimensionnelle a exprimé et accéléré le pourrissement total, tant économique que politique, du capitalisme. Elle met dans un relief saisissant cette fameuse phrase d’Engels : « La société bourgeoise est placée devant un dilemme : ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie. »

IV. Les communistes face à la crise

A. Remettre la lutte à plus tard ?

15. Chaque crise, en exacerbant les contradictions de classe et en rapprochant de la chute du système, élève les tâches des communistes, censés être l’avant-garde organisée et consciente du prolétariat. Chaque crise constitue donc un test politique pour les révolutionnaires. Ç’a été tout spécialement le cas de la crise actuelle dont les traits sont tout à fait originaux ; elle a permis de séparer le bon grain de l’ivraie, de voir qui agit réellement dans les intérêts essentiels du prolétariat.

Toute lutte conséquente implique par définition une importante concentration d’individus, une intense agitation sociale et une foule de contacts sociaux. Dans la période actuelle, ce sont autant de facteurs favorisant la propagation de l’épidémie et se heurtant aux strictes normes de distanciation sociale et de confinement. C’est ainsi que nombre d’organisations communistes, subordonnant la lutte à ces normes, ont remis à plus tard le travail de propagande, d’agitation et d’organisation en faveur du combat ouvrier. Elles ont mis entre parenthèses le travail révolutionnaire et ont en pratique relégué la lutte de classe au second plan, derrière l’ « urgence sanitaire ». Ce faisant, ces organisations ont en réalité renoncé platement à la lutte, soumettant leur politique au bon vouloir de la bourgeoisie ; elles ont pratiquement adhéré à l’ « union sacrée » avec la bourgeoisie. Le point de vue communiste exigeait au contraire de maintenir la pratique révolutionnaire en dépit des circonstances, de faire primer les intérêts de la classe et de s’employer à la développer.

Il est beau, le communiste qui imagine pouvoir mener la lutte de classe dans « des conditions pures et parfaites », dans un cadre sécurisé et soigné. On aurait peu de peine à imaginer son attitude en cas de guerre… Non, la lutte de classe, aussi acharnée que nécessaire, impose force sacrifices, de surmonter d’importants dangers et difficultés. Pour reprendre les termes de Mao, ce n’est pas un « dîner de gala ». Le communiste qui renonce à développer la lutte ouvrière au motif que la situation sanitaire n’est pas favorable, au motif qu’il faut avant tout contenir l’épidémie, fait un triple aveu. D’abord, qu’il a une conception naïve et petite-bourgeoise de la lutte de classe. Ensuite, qu’il est en déconnexion complète avec la réalité de la classe ouvrière, aujourd’hui même frappée de plein fouet par la crise et par l’offensive forcenée de la bourgeoisie. Enfin, qu’il nourrit l’illusion selon laquelle l’impérialisme pourrait réellement assurer la santé et les besoins élémentaires de la population.

C’est l’occasion de rappeler ces paroles de Lénine : « Définir sa conduite d’une situation à l’autre, s’adapter aux événements du jour, aux changements des menus faits politiques, oublier les intérêts vitaux du prolétariat et les traits essentiels de l’ensemble du régime capitaliste, de toute l’évolution capitaliste, sacrifier ces intérêts vitaux au nom des avantages réels ou supposés de l’heure : telle est, disait Lénine, la politique révisionniste. » [10].

16. Ne pas sacrifier les intérêts vitaux du prolétariat au nom de l’ « urgence sanitaire » décrétée par l’impérialisme ; poursuivre le travail révolutionnaire auprès de la classe ouvrière ; remplir le rôle de force organisatrice et mobilisatrice des masses ouvrières ; faire primer les intérêts de la lutte de classe ; défendre coûte que coûte le point de vue prolétarien de la lutte et, ce faisant, évacuer les points de vue petits-bourgeois ; utiliser la crise traversant le capitalisme et l’exacerbation de ses contradictions pour développer la lutte de classe, voilà ce qui était attendu des communistes durant cette crise… Car la défense du prolétariat commande de maintenir au premier plan les intérêts de la lutte.

17. Fort bien, nous dira-t-on, mais qu’est-ce à dire plus concrètement ?

Tout d’abord, il convient de souligner qu’en l’état, il n’existe pas de parti communiste en Belgique. À la suite d’une longue période de recul politique, on n’en est qu’au stade de l’amibe au niveau de l’organisation politique. Tout est à construire. Les révolutionnaires n’ont dans les faits pas d’influence conséquente sur le prolétariat (et encore moins sur les larges masses laborieuses). Pour l’heure, la classe ouvrière belge est en réalité perdue et bien seule face à la toute-puissance du capital.

Cette situation générale favorise deux tendances erronées. D’une part, la tendance à se lancer, sans même y croire, dans des aventures gauchistes désespérées ne tenant compte ni de ses propres forces, ni de l’état d’esprit des masses. D’autre part, la tendance à baisser les bras, qui mène soit à capituler et quitter la politique, soit à se laisser glisser par dépit dans le camp réformiste, dans l’aplatissement devant le capital. Ces deux tendances conduisent en fin de compte au même résultat concret : abandonner le prolétariat, le livrer à la prédation du capital, s’incliner face à la bourgeoisie. Elles reflètent l’état d’esprit de la petite-bourgeoisie « radicale » – en particulier ses couches intellectuelles – hésitante, ballottée entre le souffle prolétarien et le souffle bourgeois.

La crise a donné lieu à une situation politique chamboulant la routine militante des maigres organisations communistes. En même temps, elle a élevé et rendu plus pressantes les tâches révolutionnaires à accomplir auprès des masses ouvrières. Aussi les forces communistes ont davantage encore brillé par leur absence. Tout cela a eu pour effet d’accentuer les hésitations petites-bourgeoises.

Dans ce contexte, nous luttons avec force contre l’esprit d’abattement et de capitulation. Nous redoublons d’efforts dans notre travail d’organisation des ouvriers. Nous faisons passer notre message révolutionnaire, notre message de combat à toujours plus d’ouvriers, spécialement aux ouvriers avancés. Nous devons leur expliquer méthodiquement la nécessité de répondre, sans attendre les « jours meilleurs », aux attaques de la bourgeoisie et de l’État ; de mener la bataille pour leurs emplois, pour leurs conditions, pour leurs droits et libertés démocratiques (les revendiquer est nécessaire dans l’intérêt de la lutte), pour des moyens de santé dignes de ce nom. Nous faisons de l’agitation en faveur de cette lutte. Nous diffusons des mots d’ordre justes ; par exemple, face à la vague de restructurations, le mot d’ordre de l’occupation d’usine. Nous soutenons et poussons en avant de toutes nos forces chaque manifestation spontanée de lutte ouvrière ; un certain nombre de grosses explosions ont d’ailleurs eu lieu à travers le monde (par exemple chez nos voisins français contre la loi sur la sécurité globale, ou au Pérou contre le gouvernement corrompu), faisant voler en éclats les règles coercitives. Nous nous appliquons à stimuler et organiser l’énergie combative, à libérer l’indignation latente, à donner des perspectives solides à ces nombreux travailleurs qui veulent se mettre en action, sans trop savoir comment et vers où aller précisément. Nous dénonçons l’attitude des directions syndicales et partis opportunistes (exemple : lorsque la FGTB, organisant une journée de grève nationale le 29 mars, après des mois d’absence, a appelé à « surtout rester chez soi »). Nous tâchons de coordonner les ouvriers et syndicalistes de combat en vue des prochaines batailles. Sans relâche, nous mettons en relief, à la lumière des événements brûlants, l’opposition complète du prolétariat à toute la bourgeoisie, à tout l’ordre politique et social ; sans relâche, nous faisons la propagande en faveur de la seule perspective ouvrant au salut de l’humanité : le socialisme et le communisme ; nous développons l’énergie révolutionnaire contre le capitalisme et pour le socialisme.

L’accomplissement de ce travail révolutionnaire est absolument nécessaire en dépit de notre influence restreinte. Il réclame d’aller directement chercher et trouver le prolétariat là où il se trouve, principalement dans les grandes usines dont nous devons faire nos bastions ; de développer nos outils d’agitation et de propagande (journal, réseaux sociaux, site internet, flyers…) afin d’en étendre la portée ; de faire preuve d’adresse et de créativité pour être écoutés des ouvriers, pour susciter leur sympathie et leur confiance, pour créer des liens solides avec toujours plus d’ouvriers (ainsi par exemple, la section liégeoise de Rupture & Renouveau a organisé des permanences en droit du travail pour les ouvriers de TNT-Fedex, frappés par une restructuration, ce qui a permis à des dizaines d’entre eux de trouver des réponses à leurs questions juridiques, alors que les syndicats faisaient mine de négocier avec la direction ; nous nous sommes ainsi attiré de nombreuses sympathies durables) ; de créer des cellules dans les grandes entreprises ; de former et organiser des militants et cadres, notamment issus des rangs avancés du prolétariat, capables de rayonner autour d’eux ; etc., etc.

B. Accepter le régime « d’urgence sanitaire » ?

18. Mettre en œuvre les tâches susmentionnées revient à ne pas se plier au régime d’ « urgence sanitaire », donc, dans les faits, à ne pas l’accepter. Arrêtons-nous quelque peu sur la position de principe à adopter vis-à-vis de ce régime d’exception imposé par l’État (et récemment durci par le gouvernement fédéral).

Il octroie des pouvoirs exceptionnels au gouvernement et déploie largement les forces de l’ordre autour de la population; il retire arbitrairement nombre de droits et libertés démocratiques, notamment les droits et libertés politiques de se réunir, de se rassembler, de se mobiliser collectivement ; il étouffe la mobilisation sociale…

En outre, les mesures de confinement (celles qui ont été imposées au départ [11] ainsi que celles qui ont par la suite été maintenues) ont causé et causent d’innombrables maux matériels et moraux aux masses laborieuses : précarisation et paupérisation, épuisement, etc.

Par ailleurs, nombre de normes liberticides vont être intégrées à l’ordre juridique. Ceux qui en doutent n’ont qu’à se rappeler ce sur quoi ont débouché les états d’urgence décrétés pour faire face aux « menaces terroristes ». Sans oublier que le capital utilise la situation pour accentuer ses attaques à l’encontre des travailleurs. Ces derniers doivent subir leur sort en silence sous peine d’être mis à l’amende et à la répression policière.

…Tout cela au nom de la santé publique pourtant aucunement sauvegardée.

On soulignera également que le régime d’ « urgence sanitaire », renvoie chacun à ses responsabilités individuelles, à sa propre bulle de confinement, et éclipse les responsabilités décisives de l’État. « Si nous en sommes encore là, c’est de votre faute à vous, citoyens ! Vous ne vous êtes pas comportés de façon responsable ! Pour votre bien, nous allons maintenir l’état d’exception pour quelque temps encore. », voilà en substance le message actuel du gouvernement, ceux-là mêmes qui ont sacrifié les systèmes de santé sur l’autel des profits et de la rentabilité. « Apporter aux hôpitaux des moyens supplémentaires pour prendre en charge les malades ? Quelle idée ! N’avez-vous pas entendu que selon les experts tout dépend de votre abnégation dans le confinement ? ». Le poisson est ainsi noyé et l’État échappe à ses responsabilités.

Ainsi, nous n’acceptons pas le régime d’ « urgence sanitaire », qui heurte frontalement les intérêts de classe du prolétariat, qui frappe directement les larges masses ouvrières et laborieuses. Il ne s’agit pas de rejeter vulgairement toutes mesures sanitaires mais bien de s’opposer – en adoptant le point de vue prolétarien – à ce régime politique (on insiste sur le mot politique ; on n’a pas affaire à un ensemble de mesures neutres politiquement !). Du reste, il est essentiel de chercher à casser la campagne politico-médiatique de peur sanitaire visant à assurer une large acceptation aveugle et résignée du régime en place; il n’est pas question de nier les conséquences réelles de l’épidémie mais simplement de se comporter en matérialistes, de garder la tête froide, quelles que soient les circonstances. D’un côté, nous rejetons le régime d’urgence. D’un autre côté, nous avançons des revendications immédiates allant dans le sens des intérêts des masses (par exemple : des moyens immédiats pour les systèmes de santé…) et nous promouvons, à la lumière des événements du moments, la voie socialiste, seule capable de répondre aux besoins vitaux de la société.

De plus, étant donné qu’il est évidemment impossible d’aller dans le sens de la mobilisation de masse (même à l’échelle de piquets de grève !) en s’accommodant aux restrictions et suspensions de libertés, aux interdictions de rassemblement ainsi qu’aux impératifs de confinement, nous considérons que les nécessités de la lutte ouvrière en général imposent de briser ces normes, la distanciation et l’atomisation sociales qui sont autant d’entraves concrètes (à défaut, comme cela a déjà été indiqué, toute revendication n’est que du bavardage). Les bourgeois agissent dans le sens de leurs intérêts de classe, nous devons faire de même.

En résumé, nous estimons que s’aplatir devant la situation politique actuelle et l’accepter revient pratiquement à renier la défense des intérêts du prolétariat, à renoncer à toute lutte conséquente, à abandonner le point de vue de la lutte de classe, donc à réduire toute revendication (quelle qu’elle soit) à des paroles en l’air… Bref, cela équivaut tout bonnement à livrer la classe ouvrière au capital.

C. Renforcer notre travail de classe

19. Notre jeune organisation Rupture & Renouveau s’est attachée à accomplir son travail suivant les lignes directrices exposées ci-dessus. Mais nous sommes bien conscients de nos nombreuses insuffisances et faisons tout pour y remédier. Ainsi par exemple, la discipline interne et le travail de terrain auprès du prolétariat, quoique progressant de façon satisfaisante, sont encore par trop lacunaires ; des habitudes petites-bourgeoises nuisent à l’évolution de certains camarades, tirent vers le bas ceux avec qui ils sont amenés à collaborer directement et entravent le travail général du groupe. À plusieurs reprises il a fallu secouer le cocotier pour obtenir des améliorations sensibles. Notre travail d’éveil doit encore largement se développer et la formation de nombreux cadres est pour cela nécessaire. Aujourd’hui, la tendance est positive, et cela se ressent à tous les niveaux dans la croissance du groupe. Il faut maintenir ce cap et rester bien attentifs aux nombreuses lacunes qui demeurent. Renforçons notre organisation et notre discipline interne. Continuons d’élever le niveau théorique général des membres. Surtout, multiplions et approfondissons les liens avec la classe ouvrière, au premier chef les ouvriers des grandes usines ! Appliquons ces principes et rien ne pourra nous arrêter.

20. Les forces révolutionnaires politiquement organisées sont très faibles mais la fièvre sociale ne cesse de grimper. Le potentiel révolutionnaire dans la société grandit progressivement. La vie crée chaque jour, a fortiori en cette période de crise, les conditions objectives rendant nécessaire l’édification d’un parti ouvrier révolutionnaire. Conscients de cette loi indépendante de notre volonté, nous savons de notre devoir absolu d’accomplir, quelles que soient les circonstances, notre travail de communistes en appliquant les enseignements du marxisme.

La crise a constitué une expérience pour la bourgeoisie. Il en va de même pour les masses et les forces révolutionnaires. Ces dernières doivent en tirer des enseignements pour l’avenir.

[1] Voy. notamment https://www.cdc.gov/onehealth/basics/zoonotic-diseases.html.
[2] Néanmoins, d’autres hypothèses existent et ne sont pas à exclure.
[3] Engels, « Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme », 1876.
[4] Entre autres passages : « Comment serait-il possible dans ces conditions que la classe pauvre jouisse d’une bonne santé et vive longtemps ? Que peut-on attendre d’autre qu’une énorme mortalité, des épidémies permanentes, un affaiblissement progressif et inéluctable de la génération des travailleurs ? » ; « Le Dr Alison, qui connaît bien cette maladie, en attribue directement la cause à la misère et à la détresse des indigents, de même que le rapport que j’ai cité ; il affirme que ce sont les privations et la non-satisfaction relative des besoins vitaux qui rendent l’organisme réceptif à la contagion et que, d’une façon générale, elles sont responsables au premier chef de la gravité de l’épidémie et de sa rapide propagation. Il démontre que chaque apparition de l’épidémie de typhus, en Écosse comme en Irlande, a pour cause une période de privations – crise économique ou mauvaise récolte – et que c’est presque exclusivement la classe laborieuse qui supporte la violence du fléau. » […] « Il existe une autre série de maladies dont la cause directe est moins le logement que l’alimentation des travailleurs. La nourriture indigeste des ouvriers est tout à fait impropre à l’alimentation des enfants ; et cependant, le travailleur n’a ni le temps ni les moyens de procurer à ses enfants une nourriture plus convenable. »
[5] Engels, Anti-Dühring.
[6] L’exposé qui précède pourrait évidemment être largement développé mais nous voulons ici mettre en avant quelques points essentiels pour faire le lien entre la multiplication des épidémies et le développement du capitalisme.
[7] Selon les chiffres de l’OIT, l’équivalent de 8,8% des heures de travail dans le monde ont été perdues en 2020 (par rapport au quatrième trimestre 2019), soit l’équivalent de 255 millions d’emplois à temps plein ; cela représenterait un nombre quatre fois plus élevé que celui des heures perdues pendant la crise de 2009 (https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_767222/lang–fr/index.htm).
[8] Marx et Engels, Le manifeste du parti communiste.
[9] La Belgique a connu un chaos politique aggravé par suite de l’imbroglio de la structure fédérale du pays (huit entités fédérées, neuf ministres de la santé…) aux entités centrifuges, avec, au Nord, une influence déterminante de partis réactionnaires séparatistes. Cette situation entrave voire empêche la mise en œuvre de politiques coordonnées à l’échelle nationale.
[10] Lénine, « Marxisme et révisionnisme », 1908.
[11] Les mesures de confinement général.