La semaine dernière, la multinationale Ab InBev a annoncé son intention de transférer aux États-Unis la production de Stella Artois réalisée à Jupille, ce qui entraînera la perte de 87 emplois (sur un total de 760). Parmi les motifs avancés : réduire les transports en rapprochant la production de son marché américain et développer la croissance de la bière à l’international. Et le groupe en profite pour pointer d’un doigt accusateur les grèves de ces dernières années ; une manœuvre supplémentaire pour intimider et faire pression sur les ouvriers refusant de se faire marcher dessus en silence.

Un camarade de l’usine résume très bien la situation :

« Ils veulent faire le plus de pognon possible donc ils délocalisent. Le problème, c’est que les gens ne se rendent pas compte qu’Ab InBev est un groupe mondial très puissant qui fait tout pour nettoyer le social, c’est-à-dire détruire les derniers acquis qui restent aux ouvriers et les mouvements sociaux.

Certains au travail disent, ouais mais c’est parce qu’on fait grève. Moi je leur réponds : ‘Mais celles qui nous ont permis d’avoir nos primes, tu ne les contestes pas ! Si tu tues tes défenses, tu es mort ! Les gars, il ne faut pas croire ce qu’ils racontent ; le patron ne regarde qu’une chose : combien je peux gagner ? Pourquoi ils sont partis ? Car c’est meilleur marché pour les actionnaires de produire la bière aux USA. Mais ils mettent ça sur le dos des grévistes.’ Et faut rappeler que la Région wallonne a subsidié les activités d’Ab InBev chez nous ; un paquet d’argent a été investi sur Jupille ! Les actionnaires gagnent des milliards et en veulent toujours plus… Et ils osent faire passer les ouvriers pour des pourris.

Les groupes comme Ab InBev tiennent les médias. Quand tu tiens les médias, tu tiens le monde. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on entend tout le temps à la télé : ‘Jupille fait grève ; les mauvais wallons font grève…’ C’est toujours pour descendre les rouges.

Depuis l’annonce, l’état d’esprit chez les ouvriers, c’est une catastrophe ; y en a plein qui paniquent. Certains sont contre les rouges ; les verts sont hyper agressifs et nous attaquent. D’autres sont à fond avec nous car ils pensent que c’est que le début. Je pense que les gens ont pris un coup de massue ; ils sont paumés, même si certains savent qu’on se fout de notre gueule. Ils se demandent à quelle sauce ils vont être mangés. On est dans une restructuration déguisée qui ne nous permet pas d’accéder au plan Renault. Il n’y a strictement rien à offrir aux gens qui perdront leurs emplois. Et on n’a obtenu aucune réponse à nos questions.

Il faut que les gens comprennent que la grève a permis d’avoir nos congés payés, nos dimanches, etc. Les ouvriers doivent comprendre cela. Les combats sociaux, c’est des travailleurs qui se battent parce qu’ils doivent se battre, parce qu’il y a une injustice qui est trop forte ; c’est pas pour le plaisir. Bientôt, ce sera, le matin, toi tu rentres, toi tu ne rentres pas. Tant qu’on ne les arrêtera pas, ils iront toujours plus loin. Ils n’ont pas de limites et le truc, c’est qu’ils n’ont plus grand monde sur leur chemin.

Ce qui tient la vie de l’ouvrier, c’est une ficelle tenue par le patron. Il faut faire comprendre aux ouvriers comment le profit est créé, que les profits viennent d’eux et pas du patron ; d’abord on crée la richesse et puis seulement le patron devient riche. Quand j’en entends qui disent ‘Ouais mais on fera pas changer le système’ j’ai envie de leur répondre : ‘il faut mettre la masse des ouvriers ensemble, et frapper ensemble !’ »

Tout est dit. Les coups des grands monopoles capitalistes sont puissants… mais ceux de la classe ouvrière unie et organisée le seraient plus encore.
Terminons par ces paroles d’un autre ouvrier : « La direction a la mainmise sur les syndicats et les ouvriers… Elle a eu ce qu’elle voulait…faire peur… diviser. Personne n’est à l’abri de rien. L’avenir ressemblera à une dictature quand on nous enlèvera les acquis qui nous restent. »

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