Piquet de grève chez AB InBev

Pour rappel, à la suite de la détection d’un foyer de coronavirus, la direction a dissimulé des informations et n’a pas pris les mesures nécessaires. Résultat : le foyer s’est étendu ; de deux diagnostiqués positifs à la base, on en est aujourd’hui à onze, dont un entre la vie et la mort – dans le coma – et un autre aux soins intensifs. Face à cette situation, les grévistes ont exigé l’écartement des responsables directs de la situation actuelle et un protocole sanitaire valable en cas de découverte d’un foyer.

Et, comme ils nous l’ont dit, ç’a été « la goutte d’eau de trop » : « Si on se laisse faire pour ça, on devra se laisser faire pour un tas d’autres choses » ; « Ici ce n’est pas seulement la question du COVID. Ce ne que le sommet de l’iceberg. Année après année, tout est mis en place pour dépenser le moins possible pour les conditions et la protection des ouvriers. » ; « de manière générale, ils sont en train de nous enlever une quantité d’acquis gagnés dans la lutte ».

On rappellera en outre que, tout au long de la crise, les ouvriers ont continué à travailler pour leur patron brassant des milliards.

Tout au long du mouvement, la direction a tout fait pour l’entraver et le casser :

  • elle a envoyé chaque jour des sms aux grévistes pour leur mettre la pression
  • elle n’a cessé de faire appel à la police à des fins d’intimidation
  • elle a obtenu du juge une injonction de levée du piquet assortie d’astreintes énormes dont elle a demandé l’exécution ; le délégué principal, José Borego, a ainsi reçu un courrier lui signifiant qu’il avait 24 heures pour payer 11.000 euros sous peine de saisie ; plusieurs autres travailleurs en ont quant à eux pour près de 3.000 euros…
  • samedi dernier, elle a interdit l’entrée sur le site aux délégués pendant que la CSC (qui ne participe pas à la grève) effectuait une information au personnel
  • jour et nuit, les huissiers ont lourdement marqué leur présence, en prenant note de tout ce qui se disait et se faisait
  • etc., etc.

Tout cela donne à tous les ouvriers un aperçu de ce dont le patronat et l’État sont capables pour le profit, l’ordre social… « Trimez, subissez et taisez-vous. »

Au terme de ces treize jours de grève, un ouvrier s’exprime :

On a recommencé aujourd’hui à travailler et il y a déjà un blessé ; un travailleur a perdu son doigt. Pourquoi ? Parce que les ouvriers courent comme des fous sous la pression des chefs alors qu’ils devraient travailler en sécurité. Cela démontre que notre combat n’est que la pointe de l’iceberg. Il y a tellement, tellement de choses… ! Mais grâce à notre combat, qui a secoué le cocotier, tout le monde a eu les yeux ouverts sur ce qui se passe ici.

Un audit externe, avec quatre représentants des travailleurs et deux de la direction, va être fait ; des désinfections et du matériel comme du plexi ou des poignées spéciales vont être mis en place… Mais on n’a pas obtenu le déplacement des responsables de la direction ; peut-être et sans doute qu’ils le feront plus tard mais, pour eux, il faut qu’on ne voie pas que cela vient de l’action des ouvriers.

On a rarement eu une solidarité Nord-Sud comme ici. Les ouvriers des sites du Nord (dont la CSC, contrairement à chez nous!) ont dit : ‘on a les mêmes problèmes que vous et on va se mettre ensemble ; quand toi tu as un problème, on vient, et quand nous on a un problème, on a besoin de toi’. En fait, on sent que, tout doucement, la classe ouvrière se rassemble. C’est important !

En tout cas, on va continuer le combat. Ce n’est qu’un début.

Pour leur santé et leurs conditions, pour protester contre le fait qu’on les sacrifie comme de la vulgaire chair à canon…, les ouvriers se sont mobilisés avec ténacité et ont fait face durant près de deux semaines. Leur solidarité n’a pas fait pas de distinction entre le Nord et le Sud du pays et a inspiré, au-delà d’Ab InBev, des milliers d’ouvriers. C’est le résultat bien réel de leur bataille qui « n’est qu’un début ».

Les ouvriers ont des intérêts irréductiblement opposés à tout l’ordre capitaliste. Ils ne peuvent qu’être de plus en plus à relever la tête, entrer en action et mobiliser leur force sociale. On se prépare pour être aux rendez-vous et faire notre travail.