1. La faillite de CG Power Systems et CG Holdings a été prononcée au début du mois de février. Résultat: près de 520 travailleurs belges risquent de perdre leur emploi. À la même période, l’on a appris que la direction de GSK Belgique souhaitait supprimer près de 1000 emplois.

2. C’est l’occasion de parler d’une lutte ouvrière marquante ayant eu lieu en Belgique il y a de cela un peu plus de 20 ans. Il s’agit de la lutte dite des Forges de Clabecq. Les Forges de Clabecq, usine sidérurgique située dans le Brabant wallon, occupaient, en 1996, autour de 1.800 travailleurs. Au début de l’année 1997, leur faillite fut prononcée. Celle-ci mijotait déjà depuis plusieurs années.

3. Lors de faillites d’entreprises, chacun le sait, les directions syndicales lancent quelques criailleries puis se mettent à négocier bien gentiment un plan de fermeture avec son lot de mesures d’accompagnement social, de promesses de reconversion, etc. Cependant, cette fois, les travailleurs, sous la direction d’une délégation syndicale combative, modifièrent le cours habituel des choses. À la tête de cette délégation syndicale (FGTB) se trouvaient notamment Roberto D’Ozario et Silvio Marra, deux ouvriers combatifs à la conscience de classe développée (ils se réclamaient du communisme). Ils étaient opposés à la ligne conciliatrice menée par les directions syndicales. La délégation mena les travailleurs des Forges à la lutte ferme et résolue pour le maintien de l’activité dans les Forges.

Le premier acte eut lieu lorsque les banques empêchèrent le paiement des derniers salaires aux travailleurs des Forges : les travailleurs sortirent les bulldozers, brisèrent les vitres des banques sur leur passage et prirent d’assaut le commissariat du coin. À la suite de cet épisode, les salaires furent versés…

En février 1997, à l’initiative de la délégation syndicale, une manifestation nationale fut organisée contre les pertes d’emplois (en général, pas seulement dans les Forges !). 70.000 personnes répondirent à l’appel ; un franc succès. Devant la foule de manifestants, Robert D’Orazio déclama : « Cette marche doit être le début de la victoire des travailleurs. Nous voulons simplement que l’économie soit au service des travailleurs, de l’enseignement, de nos enfants et du monde du travail. Parce que les richesses produites dans ce pays, c’est le monde du travail qui les produit. Ces richesses nous appartiennent. » La délégation (et une grande partie des travailleurs) liai(en)t cette lutte concrète à la lutte contre la classe capitaliste et leurs laquais politiques.

Une semaine plus tard, un des curateurs de la faillite fut pris à partie et frappé par des ouvriers. La délégation prit position pour les ouvriers, au contraire de la direction syndicale qui affirma ne couvrir « ni les coups ni les émeutes ».

Vers la fin du mois de mars 1997, après trois mois de lutte, les travailleurs sortirent une nouvelle fois les bulldozers et bloquèrent l’autoroute E19 Bruxelles-Paris pour protester contre le fait que rien n’avait avancé. La police intervint et tenta de bloquer le passage aux ouvriers avec des camions. Les ouvriers, armés de leurs bulldozers, liquidèrent le barrage, détruisirent plusieurs camions et neutralisèrent l’autopompe mobilisée. Roberto D’Orazio déclara : « Ce que nous avons démontré dans la pratique c’est que les ouvriers ont aussi des moyens. Et crois-moi, c’est cela qui les gêne le plus et pas les quelques camions détruits. Ce que nous avons démontré c’est ceci : si nous voulons nous organiser, on vous balaie en cinq minutes. C’est l’essentiel. »

Un mois après, la fameuse délégation organisa une nouvelle manifestation : « la marche contre les menteurs ». Cette manifestation était principalement dirigée contre les politiciens de la région wallonne, dont ceux du parti socialiste, qui avaient abandonné les Forges. Plus de 10.000 personnes répondirent à l’appel.

Face au combat des travailleurs, discrètement, la région wallonne négocia une reprise des Forges par la société italienne Duferco. Du côté syndical, le patron de la FGTB prit les rennes afin de tenter de retirer à la délégation l’acte consacrant sa victoire : celle-ci fut écartée des négociations finales et ses membres, en vertu de l’accord conclu avec Duferco, ne furent pas repris et perdirent leur emploi. Pire : quelques mois plus tard, plusieurs délégués, dont D’Orazio et Marra, furent exclus du syndicat, ce qui facilita les poursuites judiciaires à leur encontre (celles-ci visaient 13 ouvriers de Clabecq).

Finalement, alors qu’on déclarait à l’origine les Forges condamnées, la production redémarra (sous la houlette de Duferco et de la région wallonne). Une partie de l’usine avait été sauvée. Plus de 20 ans après, l’usine tourne toujours… Soulignons que les membres de la fameuse délégation, tout en se félicitant de la victoire obtenue, restèrent malgré tout critiques et mirent le doigt sur des points insatisfaisants comme, par exemple, le fait que les conventions du passé ne devaient pas être respectées après la reprise de l’usine.

4. Conclusion ? Cette lutte rappela que les travailleurs unis et organisés, sous une direction révolutionnaire, peuvent faire reculer et plier les capitalistes et leurs valais politiques. Souvenez-vous, nous avons sorti une publication sur les rapports entre base et direction syndicales. Eh bien, cette lutte rappela que les travailleurs de la base doivent outrepasser le canal imposé par les directions syndicales, refuser l’attitude conciliatrice de ces dernières, s’ils veulent aboutir à des résultats tangibles. Insistons sur l’aspect suivant : cette lutte rappela l’impérieuse nécessité pour les révolutionnaires conscients de former des leaders révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. Cette dernière comprend des éléments avancés et des éléments retardataires ; les révolutionnaires conscients doivent travailler à faire émerger les leaders des éléments avancés de la classe (sans bien sûr négliger le travail auprès des éléments retardataires). Plus généralement, il faut travailler à construire un parti de masse révolutionnaire (réellement, pas en paroles !) constituant le détachement d’avant-garde de la classe laborieuse.

Stop au défaitisme ! Stop à la conciliation ! Une seule issue : la lutte des classes !

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