Vendredi 28 juin 2019, l’UE et le Mercosur (communauté économique créée en 1991 regroupant plusieurs pays d’Amérique du Sud parmi lesquels : le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et d’autres pays associés tels que le Pérou, la Colombie, le Chili ou l’Équateur) se sont entendus sur l’un des plus grands accords d’échange international jamais conclus par l’UE. L’accord concerne 780 millions de consommateurs.

Cet accord, négocié depuis 20 ans, prévoit la suppression de la quasi-totalité des droits de douane sur les exportations de l’UE vers le Mercosur. Cela permettra aux entreprises européennes, indique la Commission européenne, d’économiser 4 milliards d’euros par an en droits de douane (communiqué de presse du 28 juin, accessible en ligne). Cela a cependant un coût : en contrepartie, l’UE ouvre son marché à un certain nombre de produits issus du Mercosur. En effet, le Mercosur pourra, notamment, exporter vers l’UE :

  • 99.000 tonnes de bœuf par an avec des droits de douane préférentiels
  • 180.000 tonnes de volaille par an sans droits de douane
  • 180.000 tonnes de sucre par an sans droits de douane
  • 25.000 tonnes de porc avec des droits de douane préférentiels
  • 60.000 tonnes de riz sans droits de douane

Avec l’accord, les entreprises de l’UE auront un accès aux marchés publics du Mercosur et, réciproquement, celles du Mercosur auront un accès aux marchés publics de l’UE.

Par ailleurs, sur une période de 10 ans, les droits de douane sur les importations de fromage (jusqu’à 30.000 tonnes par an), de lait en poudre (jusqu’à 10.000 tonnes) et de lait pour bébé (jusqu’à 5.000 tonnes) seront éliminés.

[…] Le chapitre sur le développement durable est le seul à ne pas être contraignant […]

On rappellera que, concernant la production laitière, en Union européenne, en 2015, les quotas laitiers, dernier filet de sécurité pour les éleveurs, ont été supprimés sur l’autel de la sacro-sainte compétitivité. Des suites de la suppression des quotas, la production de lait s’est envolée sans limites, ce qui a mené à une chute des prix et à une nouvelle crise de surproduction laitière. Il est encore à préciser que la surproduction laitière en UE implique une quête de débouchés, notamment en Asie et en Afrique. Les produits laitiers y sont donc exportés à des prix défiant toute concurrence. En d’autres mots, on exporte, en quelque sorte, notre crise là-bas.

On l’aura compris, l’accord Mercosur-UE ne va pas arranger les choses à ce niveau-là. Plus généralement, il va accroître la concurrence déjà rude entre agriculteurs/éleveurs. Les agriculteurs et éleveurs européens seront confrontés à des denrées produites en Amérique du Sud suivant des normes bien inférieures à celles européennes et, donc, vendues à des prix ultracompétitifs. Cela ne pourra qu’empirer leur situation, souvent intenable. Déjà, leur colère se manifeste dans des mobilisations.

Ce n’est pas tout : la Commission européenne assure que « les normes de l’UE en matière de sécurité alimentaire resteront inchangées et toutes les importations devront respecter les normes strictes de l’UE ».

Les agriculteurs et éleveurs européens seront confrontés à des denrées produites en Amérique du Sud suivant des normes bien inférieures à celles européennes […]

Ça, c’est la théorie. Dans les faits, les choses seront bien différentes, car les contrôles effectués par les services de douane des États membres de l’UE sont largement insuffisants et, jusqu’ici, aucun mécanisme de traçabilité des produits (visant à assurer que ceux qui sont importés en UE soient soumis aux mêmes degrés de vigilance sanitaire) ne semble prévu. Or, les pays du Mercosur sont friands d’hormones, d’antibiotiques et de pesticides. Il est à indiquer que les éleveurs brésiliens comptent parmi les plus importants consommateurs d’antibiotiques pour animaux. Le Brésil a, depuis janvier, autorisé la commercialisation de 239 nouveaux pesticides – dont une grande partie est classée toxique voire hautement toxique pour la santé et l’écologie. Le tiers de ces pesticides est interdit dans l’Union européenne – comme l’atrazine. Concernant la question des antibiotiques, il faut souligner que leur consommation excessive dans les élevages de l’Amérique du Sud pose de gros problèmes d’antibiorésistance et participe à la fragilisation à long terme des outils contre les infections bactériennes. Cette utilisation excessive et préventive d’antibiotiques favorise, par sélection forcée, la reproduction de bactéries résistantes à l’antibiotique en question. À terme, les bactéries devenues résistantes peuvent mettre en danger tout un système de soins de santé.

Les négociateurs européens indiquent, de plus, que l’accord devrait jouer un rôle positif pour l’environnement. Pourtant, cet accord va dans le sens du développement du commerce international, développement qui rime avec accroissement de la production et du transport des marchandises produites, tous deux coûteux au plan environnemental.

Un argument invoqué par les négociateurs européens est que l’accord va pousser le Brésil à respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre de l’accord de Paris. Ceci est bien joli, mais le chapitre sur le développement durable est le seul à ne pas être contraignant… L’accord établit, en effet, une procédure spécifique de règlement des différends relatifs à l’environnement qui prévoit que, en cas de violation d’obligations en matière environnementale, des consultations gouvernementales ont lieu et que, si elles n’aboutissent à rien, un groupe d’experts est mis en place et peut émettre des recommandations publiques… Autant dire que les négociateurs européens nous jouent du pipeau.

Les citoyens des deux blocs n’ont jamais eu l’occasion d’exprimer leur avis sur la question et, pire, les négociations se sont déroulées dans l’opacité la plus totale (en atteste le fait que le texte intégral de l’accord soit, à ce jour, encore indisponible).

Au surplus, n’oublions pas le message qu’envoie l’Union européenne en négociant un tel accord avec le Mercosur, dont la première puissance économique est le Brésil, qui a pour président Jair Bolsonaro. Ce dernier est ouvertement nostalgique de la dictature militaire de la seconde moitié du 20ème siècle et a, entre autres charmantes choses, déclaré que « l’erreur de la dictature a été de torturer sans tuer » ou encore qu’il préférerait que son fils meure dans un accident plutôt que de « le voir apparaître avec un moustachu ». Il a également agressé verbalement une autre députée au début des années 2000, lui disant qu’elle était « trop moche pour qu’il la viole ».

Avant d’en terminer, il faut insister sur un point important : ce genre d’accord vise à faire circuler, en très grande partie, des produits que les pays de l’UE et du Mercosur ont déjà en des quantités largement suffisantes et dont ils n’ont pas besoin ! Par exemple, l’accord élimine les droits de douane à l’importation, en Union européenne, de grosses quantités de produits laitiers. Personne n’aura pourtant oublié les multiples crises de surproduction laitière ayant frappé l’UE ces dernières années…

En définitive, cet accord a-t-il été conclu sur la base des besoins des populations du Mercosur et de l’UE ? Assurément, non, il a été conclu sur la base des intérêts des grosses entreprises avides de profits.

Entre la suppression de la majorité des droits de douane sur les exportations de l’UE vers le Mercosur et l’ouverture, par les pays du Mercosur, de leurs marchés publics aux entreprises européennes, les secteurs industriel et agro-alimentaire peuvent se frotter vigoureusement les mains !

Le texte de l’accord ne sera adopté que si les États membres votent à l’unanimité en sa faveur.

Mobilisons-nous résolument afin :

  • d’exprimer notre opposition à cet accord élaboré dans l’intérêt des grosses firmes capitalistes, piétinant les peuples et l’environnement
  • de contraindre nos politiques à ne pas le ratifier

Informations complémentaires et sources :

communiqué de presse du 28 juin 2019

http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-3396_fr.htm

https://lvsl.fr/traite-de-libre-echange-ue-mercosur-la-liberte-de-tout-detruire/#_ftnref2

http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2019/june/tradoc_157964.pdf

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