En 1996, sous un gouvernement composé des socialistes et des sociaux-chrétiens, a été adoptée la loi relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. Ce texte législatif a consacré légalement les fameux accords interprofessionnels (AIP). Un AIP fixe notamment la marge maximale d’augmentation des « coûts salariaux » (ce qui regroupe le salaire brut, les primes, les pécules de vacances, les titres-repas, etc.) applicable pour deux ans à toutes les branches d’activité du secteur privé et à certaines entreprises publiques (SNCB, Proximus, Bpost…). Les négociations de l’AIP se déroulent dans une structure informelle appelée « Groupe des Dix », composée de cinq membres issus des organisations représentatives des employeurs et de cinq membres issus des « organisations représentatives des travailleurs », les syndicats. Pour être définitivement conclu, un AIP doit être approuvé par l’ensemble des instances dirigeantes. Les négociations salariales menées par la suite aux échelons inférieurs (échelon sectoriel, échelon de l’entreprise) ne peuvent aller au-delà de la marge fixée. On insiste, un accord interprofessionnel n’octroie donc pas d’augmentations salariales ; il détermine, pour deux années, la hausse salariale maximale pouvant être négociée.

Il faut savoir que les négociateurs n’établissent pas comme ils l’entendent la marge. Avant la négociation d’un AIP, le Conseil central de l’économie fixe la marge à ne pas dépasser sur la base de différents mécanismes. Ces mécanismes, axés sur l’idée que l’évolution salariale en Belgique doit suivre celle dans les pays voisins, permettent d’abaisser considérablement le seuil maximal. Cette année, le Conseil central de l’économie a posé la limite à… 0,4% ! Or la décision du Conseil lie les négociateurs ; ainsi, ces derniers pourraient, au cours des négociations, envisager d’abaisser la marge à 0,3% mais pas de l’élever à 0,5%.

Et que prévoit la loi en cas d’échec des négociations ? Que le gouvernement reprend la main et arrête la marge maximale définitive. Le gouvernement Leterme II a ainsi fixé la marge à 0,3% pour les années 2011 et 2012 (en précisant qu’elle est de 0% pour l’année 2011 et de 0,3% pour l’année 2012) ; le gouvernement Di Rupo a établi la marge à 0% pour 2013 et 2014 ; le gouvernement Michel I a fixé une marge pour 2015 et 2016 mais, à la suite de critiques du Conseil d’État, le législateur a pris le relais et décidé d’une marge à 0% pour 2015 et 0,8% pour 2016 ; enfin, le gouvernement Michel II a arrêté une marge de 1,1% pour 2019 et 2020.

On le voit, tout dans cette loi de 1996 est fait pour bloquer la hausse des salaires nominaux et les tirer vers le bas ; pour renforcer le contrôle patronal sur les salaires, avec comme lubrifiant la « négociation collective » de quelques miettes. Lorsque les hauts bureaucrates syndicaux concluent un accord interprofessionnel, ils entérinent en fait la position patronale, et ce au nom… des « organisations représentatives des travailleurs » ! En résumé, la loi de 1996 constitue un outil très efficace pour prévenir les revendications salariales tangibles.

Les ouvriers et tous les travailleurs ont non seulement intérêt à rejeter l’AIP mais en outre à exiger l’abolition de la loi de 1996 qui profite uniquement au patronat. Pour leurs salaires, leurs conditions et leurs emplois, assaillis de tous les côtés par le capital en crise, ils doivent engager la riposte. Seule leur lutte – massive, brisant l’abattement et les restrictions de mobilisation liées au coronavirus – peut payer.


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Catégories : Belgique

2 commentaires

Les prix de l’énergie ont atteint des sommets. Le coût de la vie ne fait qu’augmenter. – Rupture et Renouveau · 28 juillet 2022 à 11:18

[…] de la hausse brutale du coût de la vie, les travailleurs voient leurs salaires nominaux bloqués (https://www.ruptureetrenouveau.be/…/aip-hausses…/ ) et ont droit à de nouvelles mesures antisociales et liberticides (lire notamment : […]

Le gouvernement annonce une “prime corona” – Rupture et Renouveau · 26 février 2024 à 18:12

[…] négociations entre les « partenaires sociaux » ayant échoué (sur toute cette procédure, lisez cet article), c’est le gouvernement qui a la main. Sa décision : permettre aux entreprises ayant enregistré […]

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